Pourquoi donc, matrônes austères,
Vous alarmer de mes accens ?
Vous, jeunes filles trop sévères,
Pourquoi redoutez-vous mes chants ?
Ai-je peint les enlèvemens,
Des passions les noirs ravages,
Et ces impétueux orages
Qui naissent aux coeurs des amans ?
Je célèbre des jeux paisibles,
Qu’envain on semble mépriser,
Les vrais bien des ames sensibles,
Les doux mystères du baiser.
Ma plume rapide et naïve
Écrit ce qu’on sent en aimant :
L’image n’est jamais lascive,
Quand elle exprime un sentiment.
Mais, quelle rougeur imprévue !
Quoi ! Vous blâmez ces doux loisirs,
Et n’osez reposer la vue
Sur le tableau de nos plaisirs ! ...
Profanes que l’amour offense,
Qu’effarouche la volupté,
La pudeur a sa fausseté,
Et le baiser, son innocence.
Ah ! Fuyez, fuyez loin de nous ;
N’approchez point de ma maîtresse :
Dans ses bras quand Thaïs me presse,
Et, par les transports les plus doux,
Me communique son ivresse ;
Thaïs est plus chaste que vous.
Ce zèle, où votre coeur se livre,
N’est que le masque du moment ;
Ce que vous fuyez dans un livre,
Vous le cherchez dans un amant.