La coupe

Au temps des Immortels, fils de la vie en fête,
Où la Lyre élevait les assises des tours,
Un artisan sacré modela mes contours
Sur le sein d'une vierge, entre ses soeurs parfaite,

Des siècles je régnai, splendide et satisfaite,
Et les yeux m'adoraient... Quand, vers la fin des jours,
De mes félicités le sort rompit le cours,
Et je fus emportée au vent de la défaite.

Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin,
Je vis, toujours debout sur un socle hautain,
Dans l'empyrée, où l'Art divin me transfigure.

Je suis la Coupe d'or, fille du temps païen ;
Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure,
L'incorruptible orgueil de ne servir à rien.

Collection: 
1879

More from Poet

  • En juillet, quand midi fait éclater les roses,
    Comme un vin dévorant boire l?air irrité,
    Et, tout entier brûlant des fureurs de l?été,
    Abîmer son coeur ivre au gouffre ardent des choses.

    Voir partout la vie, une en ses métamorphoses,
    Jaillir ; et l?Amour, nu comme...

  • Mon coeur est un beau lac solitaire qui tremble,
    Hanté d'oiseaux furtifs et de rameaux frôleurs,
    Où le vol argenté des sylphes bleus s'assemble
    En un soir diaphane où défaillent des fleurs.

    La lune y fait rêver ses pâleurs infinies ;
    L'aurore en son cristal baigne...

  • Partout la mer unique étreint l'horizon nu,
    L'horizon désastreux où la vieille arche flotte ;
    Au pied du mât penchant l'Espérance grelotte,
    Croisant ses bras transis sur son coeur ingénu.

    Depuis mille et mille ans pareils, le soir venu,
    L'Ame assise à la barre,...

  • Oh ! Écoute la symphonie ;
    Rien n'est doux comme une agonie
    Dans la musique indéfinie
    Qu'exhale un lointain vaporeux ;

    D'une langueur la nuit s'enivre,
    Et notre coeur qu'elle délivre
    Du monotone effort de vivre
    Se meurt d'un trépas langoureux.

    ...

  • Les désespoirs sont morts, et mortes les douleurs.
    L'espérance a tissé la robe de la terre ;
    Et ses vieux flancs féconds, travaillés d'un mystère,
    Vont s'entr'ouvrir encor d'une extase de fleurs.

    Les temps sont arrivés, et l'appel de la femme,
    Ce soir, a retenti...