L’Orage

Oh ! quelle accablante chaleur !
On dirait que le ciel va toucher la montagne.
Vois ce nuage en feu qui rougit la campagne :
Quels éclairs! quel bruit sourd! ne t’en va pas; j’ai peur!
Les cris aigus de l’hirondelle
Annoncent le danger qui règne autour de nous;
Son amant effrayé la poursuit et l’appelle :
Pauvres petits oiseaux, vous retrouverez-vous?

 
Reste, mon bien-aimé! reste, je t’en conjure;
Le ciel va s’entr’ouvrir.
De l’orage, sans moi, tu veux braver l’injure;
Cruel ! en me quittant tu me verrais mourir.
Ce nuage embrasé qui promène la foudre,
Vois-tu bien, s’il éclate, on est réduit en poudre!
Encourage mon cœur, il palpite pour toi...
Ta main tremble, Olivier, as-tu peur comme moi?
Tu t’éloignes; tu crains un danger que j’ignore :
En est-il un plus grand que d’exposer tes jours?
Je donnerais pour toi ma vie et nos amours;
Si j’avais d’autres biens, tu les aurais encore.
En cédant à tes vœux, j’ai trahi mon devoir;
Mais ne m’en punis pas. Elle est loin, ta chaumière.
Pour nous parler d’amour, tu demandais le soir;
Eh bien ! pour te sauver prends la nuit tout entière;
Mais ne me parle plus de ce cruel amour;
Je vais l’offrir à Dieu dans ma tristesse extrême :

C’est on priant pour ce que j’aime
Que j’attendrai le jour.

Sur nos champs inondés tourne un moment la vue :
Réponds; malgré mes pleurs veux-tu partir encor?
Méchant, ne souris plus de me voir trop émue;
Peut-on ne pas trembler en quittant son trésor?
Je vais me réunir à ma sœur endormie :
Adieu ! laisse gronder et gémir l’aquilon ;
Quand il aura cessé d’attrister le vallon,
Tu pourras t’éloigner du toit de ton amie.

Mais quel nouveau malheur! qu’allons-nous devenir?
N’entends-tu pas la voix de mon vieux père ?
Ne vois-tu pas une faible lumière?
De ce côté, Dieu ! s’il allait venir !
Pour une faute, Olivier, que d’alarmes !
Laisse-moi seule au moins supporter son courroux;
Puis tu viendras embrasser ses genoux
Quand je l’aurai désarmé par mes larmes.
Non! la porte entr’ouverte a causé ma frayeur :
On tremble au moindre bruit, lorsque l’on est coupable,
Laisse-moi respirer du trouble qui m’accable,
Laisse-moi retrouver mon cœur !

 
Séparons-nous, je suis trop attendrie.
Sur ce cœur agité ne pose plus ta main ;
Va ! si le ciel entend ma prière chérie,
Il sera plus calme demain.
Demain, au point du jour, j’irai trouver mon père;
Sa bonté préviendra mes timides aveux ;

De nos tendres amours pardonnant le mystère,
Il ne t’appellera que pour combler tes vœux.
 
Déjà le vent rapide emporte le nuage;
La lune nous ramène un doux rayon d’espoir ;
Adieu; je ne crains plus d’oublier mon devoir,
O mon cher Olivier! j’ai trop peur de l’orage!

Collection: 
1806

More from Poet

  • Ô délire d'une heure auprès de lui passée,
    Reste dans ma pensée !
    Par toi tout le bonheur que m'offre l'avenir
    Est dans mon souvenir.

    Je ne m'expose plus à le voir, à l'entendre,
    Je n'ose plus l'attendre,
    Et si je puis encor supporter l'avenir,
    C'est...

  • N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
    Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
    J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
    Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
    N'écris pas !

    N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à...

  • Tu m'as connue au temps des roses,
    Quand les colombes sont écloses ;
    Tes yeux alors pleins de soleil
    Ont brillé sur mon teint vermeil.
    Souriant à ma destinée,
    Par ta douce force entraînée,
    Je ne t'aimai pas à demi,
    Mon jeune ami, mon seul ami !

    À...

  • Vous souvient-il de cette jeune amie,
    Au regard tendre, au maintien sage et doux ?
    À peine, hélas ! Au printemps de sa vie,
    Son coeur sentit qu'il était fait pour vous.

    Point de serment, point de vaine promesse :
    Si jeune encore, on ne les connaît pas ;
    Son...

  • Des roses de Lormont la rose la plus belle,
    Georgina, près des flots nous souriait un soir :
    L'orage, dans la nuit, la toucha de son aile,
    Et l'Aurore passa triste, sans la revoir !

    Pure comme une fleur, de sa fragile vie
    Elle n'a respiré que les plus beaux...