Juin

Les prés ont une odeur d’herbe verte et mouillée,
Un frais soleil pénètre en l’épaisseur des bois ;
Toute chose étincelle, et la jeune feuillée
Et les nids palpitants s’éveillent à la fois.

Les cours d’eau diligents aux pentes des collines
Ruissellent, clairs et gais, sur la mousse et le thym ;
Ils chantent au milieu des buissons d’aubépines
Avec le vent rieur et l’oiseau du matin.

Les gazons sont tout pleins de voix harmonieuses,
L’aube fait un tapis de perles aux sentiers,
Et l’abeille, quittant les prochaines yeuses,
Suspend son aile d’or aux pâles églantiers.

Sous les saules ployants la vache lente et belle
Paît dans l’herbe abondante au bord des tièdes eaux :
La joug n’a point encor courbé son cou rebelle ;
Une rose vapeur emplit ses blonds naseaux.

Et par delà le fleuve aux deux rives fleuries
Qui vers l’horizon bleu coule à travers les prés,
Le taureau mugissant, roi fougueux des prairies,
Hume l’air qui l’enivre et bat ses flancs pourprés.

La Terre rit, confuse, à la vierge pareille
Qui d’un premier baiser frémit languissamment,
Et son œil est humide et sa joue est vermeille,
Et son âme a senti les lèvres de l’amant.

Ô rougeur, volupté de la terre ravie !
Frissonnements des bois, souffles mystérieux !
Parfumez bien le cœur qui va goûter la vie,
Trempez-le dans la paix et la fraîcheur des cieux !

Assez tôt, tout baignés de larmes printanières,
Par essaims éperdus ses songes envolés
Iront brûler leur aile aux ardentes lumières
Des étés sans ombrage et des désirs troublés.

Alors inclinez-lui vos coupes de rosée,
Ô fleurs de son printemps, aube de ses beaux jours !
Et verse un flot de pourpre en son âme épuisée,
Soleil, divin soleil de ses jeunes amours !

Collection: 
1886

More from Poet


  • ...

  •  
    LE THÉRAPEUTE.

    O sainte et vieille Égypte, empire radieux,
    Impénétrable temple où se cachaient les dieux,
    O terre d'Osiris, ô reine des contrées,
    Heureux qui vit le jour dans tes plaines sacrées !
    Bienheureux l'étranger ! — Vînt-il des bords aimés
    Où...

  •  

    Certes, ce monde est vieux, presque autant que l’enfer.
    Bien des siècles sont morts depuis que l’homme pleure
    Et qu’un âpre désir nous consume et nous leurre,
    Plus ardent que le feu sans fin et plus amer.

    Le mal est de trop vivre, et la mort est...

  • Ô mon Seigneur Christus ! hors du monde charnel
    Vous m’avez envoyé vers les neuf maisons noires :
    Je me suis enfoncé dans les antres de Hel.

    Dans la nuit sans aurore où grincent les mâchoires,
    Quand j’y songe, la peur aux entrailles me mord !
    J’ai vu lâ...

  • Tandis qu’enveloppé des ténèbres premières,
    Brahma cherchait en soi l’origine et la fin,
    La Mâyâ le couvrit de son réseau divin,
    Et son cœur sombre et...