J'avois de l'Amour pour vous,
Charmante Sylvie,
Mais vos injustes courroux
Ont refroidy mon envie,
Je sçais aymer constamment,
Mais si l'on n'ayme esgalement,
Ma foy je m'en ennuye.
Vostre bouche, et vos beaux yeux
Les Roys de ma vie,
Et vostre ris gracieux,
Avoient mon ame asservie,
Vous m'aviez gagné le coeur,
Mais quand on a trop de rigueur,
Ma foy je m'en ennuye.
J'approuve un feu bienheureux
Qui deux Ames lie,
Et tient deux coeurs amoureux
Sans peine et melancolie,
J'ayme les douces Amours,
Mais pour souspirer tous les jours,
Ma foy je m'en ennuye.
L'Amour sur un autre Amour
Volontiers s'appuye,
J'ayme sans aucun destour ;
Mais si je voy qu'on me fuye,
Et qu'on se plaise à m'ouïr
Pleurer, tourmenter et gemir,
Ma foy je m'en ennuye.
J'approuve un coeur enflammé,
Qui se glorifie
D'aymer sans qu'il soit aymé,
Et son plaisir sacrifie,
Je le fais bien quelquefois,
Mais quand cela passe trois mois,
Ma foy je m'en ennuye.
Vous exercez sur mon coeur
Trop de Tyrannie,
Je ne vis plus qu'en langueur,
C'est une peine infinie
Que de vivre en vous aymant,
Et pour vous parler franchement,
Ma foy je m'en ennuye.
Si vous pensez honnorer
Une Ame transie,
Qui meurt pour vous adorer,
Pour moy je vous remercie,
Je ne veux point tant d'honneur,
Gardez-le à quelque grand Seigneur,
Ma foy je m'en ennuye.
Faire des vers en batteau,
Ce seroit folie,
Car par la fraischeur de l'eau
Je sens ma teste assaillie,
Vous n'aurez donc que cecy,
Il fait mauvais escrire icy,
Ma foy je m'en ennuye.