Hymne à la lenteur

 
    Parmi les thyms chauffés et leur bonne senteur
    Et le bourdonnement d’abeilles inquiètes,
    J’élève en autel d’or à la bonne Lenteur
    Amie et protectrice auguste des poètes.

    Elle enseigne l’oubli des heures et des jours
    Et donne, avec le doux mépris de ce qui presse,
    Le sens oriental de ces belles amours
    Dont le songe parfait naquit dans la paresse.

    Daigne nous inspirer le distique touchant
    Qui réveille en pleurant la mémoire dormante,
    O Lenteur ! toi qui rends plus suave un beau chant
    Mélancolique et noble et digne de l’amante !

    Inspire les amours, toi qui sais apaiser,
    Retenir plus longtemps et rendre plus vivace
    Et plus suave encore un suave baiser,
    Et révèles la gloire entière de la face.

    Nous ployons devant toi nos dociles genoux,
    La contemplation nous étant chère encore…
    Puisque nous t’honorons, demeure parmi nous,
    Toi que nous adorons, ô Lenteur que j’adore !

Collection: 
1897

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
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Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

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...