Tu veux savoir de moi le secret des sorcières ?
J’allumerai pour toi leurs nocturnes lumières,
Et je t’apprendrai l’art très simple des sorcières.
Les sorcières ne sont vivantes que la nuit.
Elles dorment pendant le jour. Leur regard fuit.
N’étant habitué qu’à l’ombre de la nuit.
Les sorcières ont des âmes calmes et noires,
Les astres leur sont moins étranges que les foires.
Le feu des mondes luit en leurs prunelles noires.
On les craint, on les chasse, on ne les aime pas.
Elles ont fui l’auberge et le commun repas.
Elles n’ont point compris, on ne les comprend pas.
Cependant elles sont très simples… On doit naître…
Pour les comprendre, il faut quelque peu les connaître
Et savoir qu’elles ont le droit d’être et de naître…
Chacun parle très haut du bien et du mal.
L’on sait que c’est un tort grave d’être anormal,
Leur cœur inoffensif n’a point conçu le mal.
Mais ces femmes sont les maudites étrangères.
Car dans un monde épais leurs âmes sont légères,
Et ses lois leurs seront à jamais étrangères.
Elles touchent à peine, ― et si peu ! le sol franc.
Elles n’aiment que le tout noir ou le tout blanc
Ou la nuance dont le reflet n’est pas franc.
Par leurs regards, par leurs sourires équivoques,
La pourpre sombre et l’or terne des vieilles loques
Revêtent, sur leur corps, des splendeurs équivoques.
Elles savent cacher au dur regard du jour
Leur cœur, leur haine triste et leur si triste amour,
Leur âme indifférente à la beauté du jour.
Peu leur importe si, plus tard, enfin vaincues
Par les pouvoirs du jour, leurs musiques vécues
S’éteignent, ainsi qu’un faible appel des vaincues…
Peu leur importe, ― tout leur est indifférent
Car l’univers n’est qu’un luth docile qui rend,
Selon la main, un doux sanglot indifférent.
Elles vivent dans un songe las, solitaires
Comme la lune, ayant choisi, parmi les terres,
Celles où meurent le mieux les âmes solitaires.