J’ai mis le pied dans l’étrier ;
Que ton galop, mon fier coursier,
Au loin m’emporte !
Ton pauvre maître devient fou ;
Il faut aller… je ne sais où…
Qu’importe ?…
Comme elle me croyait bien pris
Dans le réseau de ses mépris,
La fille blonde !
Fuyons la sirène aux yeux doux ;
II faut placer entre elle et nous
Le monde !
Tous les jours, nous partions ainsi,
Légers d’allure et de souci,
Pour voir la belle.
Évite le sentier étroit
Que tu connais, et qui va droit
Chez elle.
Qu’elle est fière de ses attraits,
De ces faux dieux que j’adorais,
De son teint pâle !
Le ciel se mire en ses yeux bleus ;
Sa voix, comme un chant amoureux,
S’exhale !
Mon âme a repris sa fierté,
Et je lui jette en liberté
Mon anathème.
Ô mes lèvres, que vous mentiez !
Tous les jours vous lui répétiez :
Je t’aime !
Ô la capricieuse enfant,
Qui n’aime pas, et qui défend
D’aimer les autres !
Heureux les cœurs sans amitié,
Qui n’ont jamais pris en pitié
Les nôtres !
Fuyons, fuyons ; voici l’instant
Où, tous les soirs, elle m’attend,
Froide et touchante.
Et moi, je fuis loin de ces lieux,
Sans une larme dans les yeux :
Je chante !…
Mais qu’ai-je vu ? Le vert gazon,
L’allée obscure, la maison…
Ah ! plus de doute :
Maudits cheval et cavalier,
Qui ne sauraient pas oublier
Leur route !
Fuyons, fuyons ; presse le pas…
Mais non ; ne l’aperçois-tu pas
À sa fenêtre ?
Il faut lui dire adieu ; demain,
Nous nous remettrons en chemin…
Peut-être ?…