À F. Daubigny.
Je sais une vallée au fond des bois paisibles
Où la mousse déroule un tapis de velours ;
De parfums enivrés par des fleurs invisibles,
Les ramiers à mi-voix s’y content leurs amours.
Des grands hêtres touffus le dôme séculaire
En interdit l’entrée aux regards du soleil,
Ne laissant tamiser qu’un jour crépusculaire
Qui du chevreuil craintif enchante le sommeil.
Dans les ravins ombreux se plaisent les pervenches
Et les myosotis, fleurs d’azur au cœur d’or.
Un nymphœa lustré mire ses roses blanches
Au limpide miroir d’un étang bleu qui dort.
Tous les échos sont pris d’un sommeil léthargique :
Ils gardent le silence aussi profondément
Que les anciens échos de la forêt magique
Où, cent ans a rêvé la Belle au Bois dormant.
Je n’ai vu qu’une fois cette vallée heureuse,
Dans ma vingtième année, et guidé par la main
D’une petite fée, une blonde amoureuse...
Seul depuis, je n’ai pas retrouvé le chemin.