Chant alterné

Déesse athénienne aux tissus diaphanes,
Ton peuple, ô blanche Hellas, me créa de ses mains.
J’ai convié les dieux à mes baisers profanes ;
D’un immortel amour j’ai brûlé les humains.

Dans ma robe aux longs plis, humble vierge voilée,
Les bras en croix, je viens du mystique Orient.
J’ai fleuri sur ton sable, ô lac de Galilée !
Sous les larmes d’un dieu je suis née en priant.

Sur mon front plein d’ivresse éclate un divin rire,
Un trouble rayonnant s’épanche de mes yeux ;
Ton miel, ô volupté, sur mes lèvres respire,
Et ta flamme a doré mon corps harmonieux.

La tristesse pieuse où s’écoule ma vie
Est comme une ombre douce aux cœurs déjà blessés ;
Quand vers l’Époux divin vole l’âme ravie,
J’allège pour le ciel le poids des jours passés.

Jamais le papyrus n’a noué ma tunique :
Mon sein libre jaillit, blanc trésor de Paros !
Et je chante Cypris sur le mode Ionique,
Foulant d’un pied d’ivoire hyacinthe et lotos.

Heureux qui se réchauffe à mon pieux délire,
Heureux qui s’agenouille à mon autel sacré !
Les cieux sont comme un livre où tout homme peut lire,
Pourvu qu’il ait aimé, pourvu qu’il ait pleuré.

Éros aux traits aigus, d’une atteinte assurée
Dès le berceau récent m’a blessée en ses jeux ;
Et depuis, le désir, cette flèche dorée,
Étincelle et frémit dans mon cœur orageux.

Les roses de Sâron, le muguet des collines
N’ont jamais de mon front couronné la pâleur ;
Mais j’ai la tige d’or et les odeurs divines
Et le mystique éclat de l’éternelle fleur.

Plus belle qu’Artémis aux forêts d’Ortygie,
Rejetant le cothurne en dansant dénoué,
Sur les monts florissants de la sainte Phrygie
J’ai bu les vins sacrés en chantant Évohé !

Un Esprit lumineux m’a saluée en reine ;
Pâle comme le lis à l’abri du soleil,
Je parfume les cœurs, et la vierge sereine
Se voile de mon ombre à l’heure du sommeil.

Dans l’Attique sacrée aux sonores rivages,
Aux bords ioniens où rit la volupté,
J’ai vu s’épanouir sur mes traces volages
Ta fleur étincelante et féconde, ô Beauté !

Les sages hésitaient, l’âme fermait son aile ;
L’homme disait au ciel un triste et morne adieu :
J’ai fait germer en lui l’espérance éternelle,
Et j’ai guidé la terre au-devant de son Dieu.

Ô coupe aux flots de miel où s’abreuvait la terre,
Volupté ! Monde heureux plein de chants immortels !
Ta fille bien aimée, errante et solitaire,
Voit l’herbe de l’oubli croître sur ses autels !

Amour, amour sans tache, impérissable flamme !
L’homme a fermé son cœur, le monde est orphelin.
Ne renaîtras-tu plus dans la nuit de son âme,
Aurore du seul jour qui n’ait pas de déclin ?

Collection: 
1852

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