Caughnawaga

C'est le dernier soupir d'un monde agonisant.
Venez voir ces débris des antiques peuplades,
Anciens rois du désert, terribles ancelades
Ecrasés sous le poids des choses d'à présent.

Arrêtons-nous ici, non loin de ces cascades.
Regardez ce hameau qui n'a rien d'imposant.
C'est là... Dire qu'on peut visiter en causant
Ces lieux témoins de tant de fauves embuscades...

Est-ce notre regard ou l'histoire qui ment ?
Qu'êtes-vous devenus, guerriers roux des prairies,
Farouches Iroquois ? - O désappointement !

Sans même recourir aux moindres jongleries,
Le chef de la tribu, marchand d'épiceries,
Avec l'accent anglais nous parle bas-normand.

Collection: 
1874

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C'est la fenaison ; personne ne chôme.
Dès qu'on voit du jour poindre les blancheurs,
En groupes épars, les rudes faucheurs
Vont couper le foin au sauvage arome.

Au bord des ruisseaux, d'indolents pêcheurs
Des saules pensifs dorment sous le dôme ;
Et, le soir...

Robuste, et largement appuyé sur sa base,
Le colosse trapu s'avance au sein des flots ;
Sur son flanc tout couvert de pins et de bouleaux
Un nuage s'étend comme un voile de gaze.

Sur son vaste sommet, de merveilleux tableaux
Se déroulent devant le regard en extase...

La tempête a cessé. L'éther vif et limpide
A jeté sur le fleuve un tapis d'argent clair,
Où l'ardent patineur au jarret intrépide
Glisse, un reflet de flamme à son soulier de fer.

La promeneuse, loin de son boudoir tépide,
Bravant sous les peaux d'ours les morsures...

Jours de deuil ! Plus de nids sous le feuillage vert ;
Les chantres de l'été désertent nos bocages ;
On n'entend que le cri de l'oiseau dans les cages,
Avec les coups de bec sonores du pivert.

De jaunissants débris le gazon s'est couvert ;
Les grands boeufs...

L'eau qui se précipite en énorme volume,
Heurtant l'angle des rocs sur leur base tremblants,
Avec de longs cris sourds roule en tourbillons blancs
C'est le fleuve qui prend sa course dans la brume.

Comme un cheval fougueux dont on saigne les flancs,
Il se cabre d'...