Bonne fortune

 

À Théodore de Banville.

Tête penchée,
   Œil battu,
Ainsi couchée
   Qu’attends-tu ?

Sein qui tressaille,
   Pleurs nerveux,
Fauve broussaille
   De cheveux,

Frissons de cygnes
   Sur tes flancs,
Voilà des signes
   Trop parlants.

Tu n’es que folle
   De ton corps.
Ton âme vole
   Au dehors.

Qu’un autre vienne,
   Tu feras
La même chaîne
   De tes bras.

Je hais le doute,
   Et, plus fier,
Je te veux toute,
   Âme et chair.

C’est moi (pas l’autre !)
   Qui t’étreins
Et qui me vautre
   Sur tes seins.

Connais, panthère,
   Ton vainqueur

Ou je fais taire
   Ta langueur.

Attache et sangle
   Ton esprit,
Ou je t’étrangle
   Dans ton lit.

Collection: 
1862

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J'ai trois fenêtres à ma chambre :
L'amour, la mer, la mort,
Sang vif, vert calme, violet.

Ô femme, doux et lourd trésor !

Froids vitraux, odeurs d'ambre.
La mer, la mort, l'amour,
Ne sentir que ce qui me plaît...

Femme, plus claire que le jour !...

Aux arbres il faut un ciel clair,
L'espace, le soleil et l'air,
L'eau dont leur feuillage se mouille.
Il faut le calme en la forêt,
La nuit, le vent tiède et discret
Au rossignol, pour qu'il gazouille.

Il te faut, dans les soirs joyeux,
Le triomphe ; il...

J'ai rêvé les amours divins,
L'ivresse des bras et des vins,
L'or, l'argent, les royaumes vains,

Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
Parmi les sentiers amusants
Nous irons sur nos alezans.

Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires voeux!...

Quant nous irisons
Tous nos horizons
D'émeraudes et de cuivre,
Les gens bien assis
Exempts de soucis
Ne doivent pas nous poursuivre.

On devient très fin,
Mais on meurt de faim,
A jouer de la guitare,
On n'est emporté,
L'hiver ni l'été...

Le rhythme argentin de ta voix
Dans mes rêves gazouille et tinte.
Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
Qui réveillent ma joie éteinte.

Mais les bois n'ont pas de frissons,
Ni les harpes éoliennes.
Qui soient si doux que tes chansons,
Que tes...