Aux Absents

 
Ce soir au bord du lac, à l'ombre, sur la mousse,
La nature est si belle et la vie est si douce,
Cette forêt de pins murmure un chant si pur,
Cette prairie exhale une odeur si calmante,
En tons si délicats de cette onde dormante
Les roses du couchant on nuancé l'azur ;

D'un air si transparent la montagne est baignée ;
Mon âme de ta paix est si bien imprégnée,
Que je ne songe plus, nature, à t'admirer.
C'est un désir plus doux qu'avec l'air je respire ;
Je cherche autour de moi des yeux à qui sourire,
Ma main cherche des mains que je voudrais serrer.

Que ne puis-je, ô nature ! à tes autels en flammes,
Convier avec moi toutes les saintes âmes,
Avec elles goûter cette extase à genoux !
Seul, ainsi, s'enivrer de la beauté d'un monde,
C'est un bonheur impie où l'amertume abonde,
Et tout cet infini laisse du vide en nous.

Cette ivresse, pourtant, je la puise en Dieu même ;
Mais, pour y prendre part, où sont tous ceux que j'aime ?
Mon cœur ici les nomme et parle à chacun d'eux ;
Jamais tant qu'à cette heure, à travers mes nuages,
Si douce leur parole, et si doux leurs visages,
N'ont échauffé mon cœur et lui devant mes yeux.

La pensée a peut-être, affrontant la distance,
Des ailes pour voler vers ceux à qui l'on pense
Sans se perdre à travers le monde aérien !
Vous tous, absents chéris, qui manquez à ma joie,
Des effluves d'amour que mon cœur vous envoie,
Ce vent et ce soleil ne vous portent-ils rien ?

Où va donc, où va donc, si nul ne le devine,
Ce qu'exhale mon sein d'émotion divine ?
Pourquoi ce doux concert, s'il n'est pas entendu ?
Des plantes du désert qui respire la feuille ?
Que deviennent ces fruits que nulle main ne cueille ?...
Donne tous tes parfums, mon cœur, rien n'est perdu !

Vois ! chaque goutte d'eau, que la terre là boive,
Que le vent sur son aile en vapeurs la reçoive,
Retourne à l'Océan, et s'y mêle à son jour !...
Ainsi chaque soupir, chaque extase cachée,
Chaque larme pieuse au coin de l'œil séchée
Vont enrichir au ciel les sources de l'amour.

Collection: 
1832

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