C’est celle dont jadis la vaporeuse image
M’apparut en fuyant, comme un léger nuage
Glisse en un ciel d’azur…
(A. J. Guirot)
Bientôt j’irai dormir d’un sommeil sans alarmes ;
Heureux si, dans la nuit dont je serai couvert,
Un œil indifférent donne en passant des larmes
À mon luth oublié, sur mon tombeau désert !
(V. Hugo)
Ami, la connais-tu, la vierge au front candide,
Au cœur pur, sanctuaire où la vertu réside ?
Cet ange que le ciel
Envoya près de moi, dans sa bonté suprême ?
Celle qu’anime un souffle émané de Dieu même,
Et que suit ici-bas son regard paternel ?
Tu ne la connais pas, tu ne peux la connaître !
Je la vois s’avancer….sa présence fait naître
Le plus doux sentiment.
Vois son humble maintien, son regard, son sourire
Entends sa voix touchante, et dis si le délire
Ne doit pas m’embraser à cet aspect charmant ?
Son nom est E*** ; modeste, aimable et pure,
Simple dans tous ses goûts, simple dans sa parure,
C’est une tendre fleur
Qu’un souffle du zéphyr un matin fait éclore ;
Sur sa tige elle brille, à peine à son aurore,
Et parfume les airs de sa suave odeur.
Oh ! pourquoi n’a-t-elle eu l’aveu de ma tendresse !
J’aurais vu ses regards émus de mon ivresse,
Et peut-être l’amour
Eût uni nos deux cœurs. Mais non, tout nous sépare,
Un génie infernal, un pouvoir trop barbare
Écarte le bonheur de mon humble séjour.
Mais quoi ! plongé vivant dans un abyme immense,
Succombant sous le poids d’une horrible existence,
De mes tourments affreux,
Puis-je donc à ma vie associer cet ange,
Qui doit goûter en paix un bonheur sans mélange
D’aucun trouble secret, d’aucun soin douloureux ?
Non, jamais ! car ma vie est pénible, et la chaîne
Qu’en ce séjour de deuil incessamment je traîne
Est un lourd fardeau.
Ah ! que m’importe, à moi, les plaisirs de ce monde,
Et ces biens, ces honneurs où son orgueil se fonde ?
Je n’attends ici-bas que l’heure du tombeau.
Marcher, toujours marcher dans une nuit obscure,
Se croire tout seul debout, errant dans la nature,
Et rien à l’horizon !
Pas un point lumineux qui chasse ces ténèbres !
La nuit, toujours la nuit et ses voiles funèbres,
Qui ne m’offrent partout qu’une affreuse prison !
Rien ! — Résigné j’attends qu’ému de ma souffrance,
Dieu sur moi fasse luire un rayon d’espérance,
Ou que, dans sa bonté,
Du malheur qui m’opprime il brise le calice,
Et termine bientôt ma vie et mon supplice,
En m’appelant au sein de son éternité.