Je veux pour toi dire mon chant suprême ;
Car pour une âme inhabile à s’ouvrir,
Il est si doux de redire qu’elle aime,
Quand ceux qu’elle aime ont dit : « Il faut partir. »
Oui, j’ai goûté rêve, avenir, tendresse ;
Sur moi des cieux il tomba quelques fleurs ;
Et cependant il manque à ma richesse :
Toi qui t’en vas, laisse-moi de tes pleurs.
Je t’avais dit (ô rêve plein de charmes !) :
Je te suivrai loin de ton beau pays ;
Pour le pleurer nous confondrons nos larmes ;
Nous redirons nos jours évanouis.
Mais non, toujours il fallut à ma vie
Cet autre exil... solitude des cœurs !
Adieu ! là-bas, si quelque ami t’oublie,
Pauvre exilé, souviens-toi de mes pleurs.
Au loin les cieux ont des clartés sereines ;
Leur tendre amour t’y fait un avenir.
Vas, comme ici, là-bas, traîner tes chaînes,
Aimant beaucoup pour ne pas trop souffrir.
Et dans la nuit, quand naîtra ton étoile,
L’âme attentive à ses blanches lueurs,
Au vent natal tu livreras ta voile,
Et sur ces bords tu sécheras tes pleurs.
Pars, n’attends pas, délaisse nos rivages ;
Contre le cœur, l’espace est impuissant.
L’amitié, forte au travers des orages,
Plus nettement articule son chant.
Oh ! dans quel rire a-t-on pu se comprendre ?
Les saints amours sont fils de nos douleurs.
Joyeux élans doivent se désapprendre ;
Le ciel toujours se ressouvient des pleurs.