Épître 89

Jeune et charmant objet à qui pour son partage
le ciel a prodigué les trésors les plus doux,
les grâces, la beauté, l’esprit et le veuvage,
jouissez du rare avantage
d’être sans préjugés ainsi que sans époux !
Libre de ce double esclavage,
joignez à tous ces dons celui d’en faire usage ;
faites de votre lit le trône de l’amour ;
qu’il ramène les ris, bannis de votre cour
par la puissance maritale.
Ah ! Ce n’est pas au lit qu’un mari se signale :
il dort toute la nuit et gronde tout le jour ;
ou s’il arrive par merveille
que chez lui la nature éveille le désir,
attend-il qu’à son tour chez sa femme il s’éveille ?
Non : sans aucun prélude il brusque le plaisir ;
il ne connaît point l’art d’animer ce qu’on aime,
d’amener par degrés la volupté suprême ;
le traître jouit seul..., si pourtant c’est jouir.
Loin de vous tous liens, fût-ce avec Plutus même !
L’amour se chargera du soin de vous pourvoir.
Vous n’avez jusqu’ici connu que le devoir,
le plaisir vous reste à connaître.
Quel fortuné mortel y sera votre maître !
Ah ! Lorsque, d’amour enivré,
dans le sein du plaisir il vous fera renaître,
lui-même trouvera qu’il l’avait ignoré.

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1714

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