Quoi ! Vous êtes monarque, et vous m’aimez encore !
Quoi ! Le premier moment de cette heureuse aurore
qui promet à la terre un jour si lumineux,
marqué par vos bontés, met le comble à mes voeux !
ô coeur toujours sensible ! âme toujours égale !
Vos mains du trône à moi remplissent l’intervalle.
Citoyen couronné, des préjugés vainqueur,
vous m’écrivez en homme, et parlez à mon coeur.
Cet écrit vertueux, ces divins caractères,
du bonheur des humains sont les gages sincères.
Ah, prince ! Ah, digne espoir de nos coeurs captivés !
Ah ! Régnez à jamais comme vous écrivez.
Poursuivez, remplissez des voeux si magnanimes :
tout roi jure aux autels de réprimer les crimes ;
et vous, plus digne roi, vous jurez dans mes mains
de protéger les arts, et d’aimer les humains.
Et toi dont la vertu brilla persécutée,
toi qui prouvas un dieu, mais qu’on nommait athée,
martyr de la raison, que l’envie en fureur
chassa de son pays par les mains de l’erreur,
reviens, il n’est plus rien qu’un philosophe craigne ;
Socrate est sur le trône, et la vérité règne.
Cet or qu’on entassait, ce pur sang des états,
qui leur donne la mort en ne circulant pas,
répandu par ses mains, au gré de sa prudence,
va ranimer la vie, et porter l’abondance.
La sanglante injustice expire sous ses pieds :
déjà les rois voisins sont tous ses alliés ;
ses sujets sont ses fils, l’honnête homme est son frère ;
ses mains portent l’olive, et s’arment pour la guerre.
Il ne recherche point ces énormes soldats,
ce superbe appareil, inutile aux combats,
fardeaux embarrassants, colosses de la guerre,
enlevés, à prix d’or, aux deux bouts de la terre ;
il veut dans ses guerriers le zèle et la valeur,
et, sans les mesurer, juge d’eux par le coeur.
Ainsi pense le juste, ainsi règne le sage.
Mais il faut au grand homme un plus heureux partage :
consulter la prudence, et suivre l’équité,
ce n’est encor qu’un pas vers l’immortalité.
Qui n’est que juste est dur ; qui n’est que sage est triste :
dans d’autres sentiments l’héroïsme consiste.
Le conquérant est craint, le sage est estimé ;
mais le bienfaisant charme, et lui seul est aimé ;
lui seul est vraiment roi ; sa gloire est toujours pure ;
son nom parvient sans tache à la race future.
à qui se fait chérir faut-il d’autres exploits ?
Trajan, non loin du Gange, enchaîna trente rois :
à peine a-t-il un nom fameux par la victoire :
connu par ses bienfaits, sa bonté fait sa gloire.
Jérusalem conquise, et ses murs abattus,
n’ont point éternisé le grand nom de Titus ;
il fut aimé : voilà sa grandeur véritable.
ô vous qui l’imitez, vous, son rival aimable,
effacez le héros dont vous suivez les pas :
Titus perdit un jour, et vous n’en perdrez pas.
Épître 57
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