Toi qui fus des plaisirs le délicat arbitre,
tu languis, cher abbé ; je vois, malgré tes soins,
que ton triple menton, l’honneur de ton chapitre,
aura bientôt deux étages de moins.
Esclave malheureux du chagrin qui te dompte,
tu fuis un repas qui t’attend !
Tu jeûnes comme un pénitent ;
pour un chanoine quelle honte !
Quels maux si rigoureux peuvent donc t’accabler ?
Ta maîtresse n’est plus ; et, de ses yeux éprise,
ton âme avec la sienne est prête à s’envoler !
Que l’amour est constant dans un homme d’église !
Et qu’un mondain saurait bien mieux se consoler !
Je sais que ta fidèle amie
te laissait prendre en liberté
de ces plaisirs qui font qu’en cette vie
on désire assez peu ceux de l’éternité :
mais suivre au tombeau ce qu’on aime,
ami, crois-moi, c’est un abus.
Quoi ! Pour quelques plaisirs perdus
voudrais-tu te perdre toi-même ?
Ce qu’on perd en ce monde-ci,
le retrouvera-t-on dans une nuit profonde ?
Des mystères de l’autre monde
on n’est que trop tôt éclairci.
Attends qu’à tes amis la mort te réunisse,
et vis par amitié pour toi :
mais vivre dans l’ennui, ne chanter qu’à l’office,
ce n’est pas vivre, selon moi.
Quelques femmes toujours badines,
quelques amis toujours joyeux,
peu de vêpres, point de matines,
une fille, en attendant mieux :
voilà comme l’on doit sans cesse
faire tête au sort irrité ;
et la véritable sagesse
est de savoir fuir la tristesse
dans les bras de la volupté.
Épître 5
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