L’heureux talent dont vous charmez la France
avait en vous brillé dès votre enfance ;
il fut dès lors dangereux de vous voir,
et vous plaisiez, même sans le savoir.
Sur le théâtre heureusement conduite
parmi les voeux de cent coeurs empressés,
vous récitiez, par la nature instruite :
c’était beaucoup ; ce n’était point assez ;
il vous fallait encore un plus grand maître.
Permettez-moi de faire ici connaître
quel est ce dieu de qui l’art enchanteur
vous a donné votre gloire suprême ;
le tendre amour me l’a conté lui-même.
On me dira que l’amour est menteur.
Hélas ! Je sais qu’il faut qu’on s’en défie :
qui mieux que moi connaît sa perfidie ?
Qui souffre plus de sa déloyauté ?
Je ne croirai cet enfant de ma vie ;
mais cette fois il a dit vérité.
Ce même amour, Vénus, et Melpomène,
loin de Paris faisaient voyage un jour ;
ces dieux charmants vinrent dans ce séjour
où vos appas éclataient sur la scène :
chacun des trois, avec étonnement,
vit cette grâce et simple et naturelle,
qui faisait lors votre unique ornement.
« ah ! Dirent-ils, cette jeune mortelle
mérite bien que, sans retardement,
nous répandions tous nos trésors sur elle. »
ce qu’un dieu veut se fait dans le moment.
Tout aussitôt la tragique déesse
vous inspira le goût, le sentiment,
le pathétique, et la délicatesse.
« moi, dit Vénus, je lui fais un présent
plus précieux, et c’est le don de plaire :
elle accroîtra l’empire de Cythère ;
à son aspect tout coeur sera troublé ;
tous les esprits viendront lui rendre hommage.
-moi, dit l’amour, je ferai davantage :
je veux qu’elle aime. » à peine eut-il parlé
que dans l’instant vous devîntes parfaite ;
sans aucuns soins, sans étude, sans fard,
des passions vous fûtes l’interprète.
ô de l’amour adorable sujette,
n’oubliez point le secret de votre art.
Épître 28
More from Poet
-
<2>
La dernière est une des plus jolies qu'on ait faites : c'est Laïs sur le retour, consacrant son miroir dans le temple de Vénus, avec ces vers :
Je le donne à Vénus, puisqu'elle est toujours belle :
Il redouble trop mes ennuis.
Je ne saurais me voir en ce... -
Tu veux donc, belle Uranie,
Qu'érigé par ton ordre en Lucrèce nouveau,
Devant toi, d'une main hardie,
Aux superstitions j'arrache le bandeau;
Que j'expose à tes yeux le dangereux tableau
Des mensonges sacrés dont la terre est remplie,
Et que ma philosophie... -
O malheureux mortels ! ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs, éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien » ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces... -
Regrettera qui veut le bon vieux temps,
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents ;
Moi, je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant... -
Sur les bords fortunés de l'antique Idalie,
Lieux où finit l'Europe et commence l'Asie,
S'élève un vieux palais respecté par les temps :
La Nature en posa les premiers fondements ;
Et l'art, ornant depuis sa simple architecture,
Par ses travaux hardis surpassa la...