Ornement de la bergerie
et de l’église, et de l’amour,
aussitôt que Flore à son tour
peindra la campagne fleurie,
revoyez la ville chérie
où Vénus a fixé sa cour.
Est-il pour vous d’autre patrie ?
Et serait-il dans l’autre vie
un plus beau ciel, un plus beau jour,
si l’on pouvait de ce séjour
exiler la tracasserie ?
Évitons ce monstre odieux,
monstre femelle, dont les yeux
portent un poison gracieux,
et que le ciel en sa furie,
de notre bonheur envieux,
a fait naître dans ces beaux lieux
au sein de la galanterie.
Voyez-vous comme un miel flatteur
distille de sa bouche impure ?
Voyez-vous comme l’imposture
lui prête un secours séducteur ?
Le courroux étourdi la guide,
l’embarras, le soupçon timide,
en chancelant suivent ses pas.
Des faux rapports l’erreur avide
court au-devant de la perfide,
et la caresse dans ses bras.
Que l’amour, secouant ses ailes,
de ces commerces infidèles
puisse s’envoler à jamais !
Qu’il cesse de forger des traits
pour tant de beautés criminelles,
et qu’il vienne, au fond du marais,
de l’innocence et de la paix
goûter les douceurs éternelles !
Je hais bien tout mauvais rimeur
de qui le bel esprit baptise
du nom d’ennui la paix du coeur,
et la constance de sottise.
Heureux qui voit couler ses jours
dans la mollesse et l’incurie,
sans intrigues, sans faux détours,
près de l’objet de ses amours,
et loin de la coquetterie !
Que chaque jour rapidement
pour de pareils amants s’écoule !
Ils ont tous les plaisirs en foule,
hors ceux du raccommodement.
Quelques amis dans ce commerce
de leur coeur que rien ne traverse
partagent la chère moitié ;
et, dans une paisible ivresse,
ce couple avec délicatesse
aux charmes purs de l’amitié
joint les transports de la tendresse…
rendez-nous donc votre présence,
galant prieur de Trigolet,
très-aimable et très-frivolet :
venez voir votre humble valet
dans le palais de la constance.
Les grâces avec complaisance
vous suivront en petit collet ;
et moi leur serviteur follet,
j’ébaudirai votre excellence
par des airs de mon flageolet,
dont l’amour marque la cadence
en faisant des pas de ballet.
Épître 14
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