Gustave, jeune roi, digne de ton grand nom,
je n’ai donc pu goûter le plaisir et la gloire
de voir dans mes déserts, en mon humble maison,
le fils de ce héros que célébra l’histoire !
J’aurais cru ressembler à ce vieux Philémon,
qui recevait les dieux dans son pauvre ermitage.
Je les aurais connus à leur noble langage,
à leurs moeurs, à leurs traits, surtout à leur bonté ;
ils n’auraient point rougi de ma simplicité ;
et Gustave surtout, pour le prix de mon zèle,
n’aurait jamais changé mon logis en chapelle.
Je serais peu content que le pouvoir divin
en un dortoir béni transformât mon jardin,
de ma salle à manger fît une sacristie :
la grand’messe pour moi n’a que peu d’harmonie ;
en vain mes chers vassaux me croiraient honoré
si le seigneur du lieu devenait leur curé.
J’ai le coeur très-profane, et je sais me connaître ;
je ne me flatte pas de me voir jamais prêtre ;
si Philémon le fut pour un mauvais souper,
l’éclat de ce haut rang ne saurait me frapper.
Le grand roi des bretons, qu’à saint-Pierre on condamne,
est le premier prélat de l’église anglicane.
Sur les bords du Volga Catherine tient lieu
d’un grave patriarche, ou, si l’on veut, de Dieu.
De cette ambition je n’ai point l’âme éprise,
et je suis tout au plus serviteur de l’église.
J’aurais mis mon bonheur à te faire ma cour,
à contempler de près tout l’esprit de ta mère,
qui forma tes beaux ans dans le grand art de plaire ;
à revoir sans-souci, ce fortuné séjour
où règnent la victoire et la philosophie,
où l’on voit le pouvoir avec la modestie.
Jeune héros du nord, entouré de héros,
à ces nobles plaisirs je ne puis plus prétendre ;
il ne m’est pas permis de te voir, de t’entendre.
Je reste en ma chaumière, attendant qu’Atropos
tranche le fil usé de ma vie inutile ;
et je crie aux destins, du fond de mon asile :
« destins, qui faites tout, et qui trompez nos voeux,
ne trompez pas les miens, rendez Gustave heureux. »
Épître 112
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