Élégie : « Dusses-tu me punir »

Dusses-tu me punir de rompre la première
Le serment imprudent qui fit pleurer l’amour ;
Dusses-tu repousser l’invincible retour
Qui ramène vers toi mon âme tout entière ;
Cette raison cruelle, où se cache l’orgueil,
        M’a déjà coûté tant de larmes !
        Va ! la souffrance est un écueil
        Où viennent se briser ses armes.

Et toi, le tiendras-tu ce funeste serment ?
L’avons-nous prononcé ? . . . je m’en souviens à peine ;
Ce n’est pas nous ! Sais-tu qui fit notre tourment ?
C’est l’orgueil : il sépare, il ressemble à la haine.
Lequel aurait pu dire, adieu, sans quelques pleurs ?
Hélas ! lorsque, entraînés vers les mêmes rivages,
Deux ruisseaux sont unis, forcent-ils les orages
À diviser leurs flots parés des mêmes fleurs ?
Si quelque main, contraire à leur pente chérie,
Forçait l’un à couler vers un autre séjour,
La plus faible moitié serait bientôt tarie,
Et l’autre, en murmurant, sécherait à son tour.

Leurs limpides destins furent notre partage ;
J’y revois nos amours comme au fond d’un miroir :
Où sont tes yeux, ma vie ? . . . ah ! quand je peux les voir,
        Ils m’en disent bien davantage !

Collection: 
1806

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