Notre barque, depuis trois jours,
Croise et lutte devant ces côtes ;
Les vagues roulantes et hautes
Sur les rocs nous poussent toujours.
Dans l'ennui de la traversée,
Alors chacun des voyageurs
Se livre aux souvenirs rongeurs
Que chacun porte en sa pensée.
En secret, je songeais à vous,
Pour moi désormais étrangère,
Pareille à cette passagère,
Vous qui pleurez sur vos genoux.
Pleurez ! Attendri sur moi-même,
J'ai pu lire dans vos douleurs.
Pleurez, pauvre femme ! Vos pleurs
Sont pleins d'une douceur qu'on aime.
Tout ce qui fait vivre et penser,
Votre âme ardente le féconde :
C'est une faute aux yeux du monde,
Les larmes doivent l'effacer.
Plus calme un jour et non moins tendre,
Vous sourirez à vos chagrins :
Les temps seront alors sereins,
En pleurant il faut les attendre.
Tremblante et cherchant un réduit,
Hier, une hirondelle égarée
Sur le mât du chasse-marée
S'est venue abattre à la nuit.
Ouvrant l'aile à chaque secousse,
Quand la vergue plongeait dans l'eau,
Sur sa corde le jeune oiseau
Criait d'une voix triste et douce.
Ce matin le ciel était clair,
On voyait au loin le rivage ;
L'hirondelle reprit courage,
Et chantait en traversant l'air.
Oh ! Quand vos jours auront moins d'ombre,
Votre cœur troublé moins d'effroi,
Dans l'avenir songez à moi,
A moi surtout s'il était sombre.
Femme pure, au cœur méconnu,
Contre le sort faible et sans armes,
N'oubliez jamais dans vos larmes,
Celui qui s'en est souvenu.
Il reçut une âme discrète,
Une âme prompte à s'attendrir,
Et sa main, sans faire souffrir,
Sonde une blessure secrète.