À une jeune fille

 

Pourquoi, tout à coup, quand tu joues,
Ces airs émus et soucieux ?
Qui te met cette fièvre aux yeux,
Ce rose marbré sur les joues ?

Ta vie était, jusqu’au moment
Où ces vagues langueurs t’ont prise,
Un ruisseau que frôlait la brise,
Un matinal gazouillement.

                            *

Comme ta beauté se révèle
Au-dessus de toute beauté,
Comme ton cœur semble emporté
Vers une existence nouvelle,

Comme en de mystiques ardeurs
Tu laisses planer haut ton âme.
Comme tu te sens naître femme
À ces printanières odeurs,

Peut-être que la destinée
Te montre un glorieux chemin ;
Peut-être ta nerveuse main
Mènera la terre enchaînée.

                            *

À coup sûr, tu ne seras pas
Épouse heureuse, douce mère ;
Aucun attachement vulgaire
Ne peut te retenir en bas.

                            *

As-tu des influx de victoire
Dans tes beaux yeux clairs, pleins d’orgueil,

Comme en son virginal coup d’œil
Jeanne d’Arc, de haute mémoire ?

Dois-tu fonder des ordres saints,
Être martyre ou prophétesse ?
Ou bien écouter l’âcre ivresse
Du sang vif qui gonfle tes seins ?

Dois-tu, reine, bâtir des villes
Aux inoubliables splendeurs,
Et pour ces vagues airs boudeurs
Faire trembler les foules viles ?

                            *

Va donc ! tout ploiera sous tes pas,
Que tu sois la vierge idéale
Ou la courtisane fatale...
Si la mort ne t’arrête pas.

Collection: 
1862

More from Poet

J'ai trois fenêtres à ma chambre :
L'amour, la mer, la mort,
Sang vif, vert calme, violet.

Ô femme, doux et lourd trésor !

Froids vitraux, odeurs d'ambre.
La mer, la mort, l'amour,
Ne sentir que ce qui me plaît...

Femme, plus claire que le jour !...

Aux arbres il faut un ciel clair,
L'espace, le soleil et l'air,
L'eau dont leur feuillage se mouille.
Il faut le calme en la forêt,
La nuit, le vent tiède et discret
Au rossignol, pour qu'il gazouille.

Il te faut, dans les soirs joyeux,
Le triomphe ; il...

J'ai rêvé les amours divins,
L'ivresse des bras et des vins,
L'or, l'argent, les royaumes vains,

Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
Parmi les sentiers amusants
Nous irons sur nos alezans.

Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires voeux!...

Quant nous irisons
Tous nos horizons
D'émeraudes et de cuivre,
Les gens bien assis
Exempts de soucis
Ne doivent pas nous poursuivre.

On devient très fin,
Mais on meurt de faim,
A jouer de la guitare,
On n'est emporté,
L'hiver ni l'été...

Le rhythme argentin de ta voix
Dans mes rêves gazouille et tinte.
Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
Qui réveillent ma joie éteinte.

Mais les bois n'ont pas de frissons,
Ni les harpes éoliennes.
Qui soient si doux que tes chansons,
Que tes...