À Leconte de Lisle

 
J’ai lu, je ne sais où, la légende amoureuse
De Raymond Lulle. On dit qu’un jour il rencontra
Une femme fort belle, et l’amour pénétra
Dans son cœur calme et vint troubler sa vie heureuse.
 

Il quitta, comme Faust, la route ténébreuse
De l’austère science, et son amour dura
Jusqu’au jour où l’objet qu’il aimait lui montra
Un sein que dévorait une lèpre hideuse.

Miroirs de volupté, beaux lacs aux flots d’azur,
Où se cache toujours quelque reptile impur,
Anges d’illusion, démons aux corps de femme,

Sirènes et Circés, qu’il est triste le jour
Où, pour guérir nos cœurs des poisons de l’amour,
Vous nous montrez à nu la lèpre de vos âmes !

Collection: 
1842

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