Premier soleil

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi, car voici venir mai,
Et nous ne verrons plus les redingotes longues
Où tout parfait dandy se tenait enfermé.

Sourire du printemps, je t'offre en holocauste
Les manchons, les albums et le pesant castor.
Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste
Volent, en agitant une poussière d'or !

Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,
Et ce matin j'ai vu mademoiselle Ozy
Près des Panoramas déployer son ombrelle :
C'est que le triste hiver est bien mort, songez-y !

Voici dans le gazon les corolles ouvertes,
Le parfum de la sève embaumera les soirs,
Et devant les cafés, des rangs de tables vertes
Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.

Adieu donc, nuits en flamme où le bal s'extasie !
Adieu, concerts, scotishs, glaces à l'ananas ;
Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,
Sur la toile imprimée et sur le jaconas !

Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,
Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,
Les légers mantelets avec les robes blanches,
Et dans un mois d'ici vous sortirez bras nus !

Bientôt, sous les forêts qu'argentera la lune,
S'envolera gaîment la nouvelle chanson ;
Nous y verrons courir la rousse avec la brune,
Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !

Bientôt tu t'enfuiras, ange Mélancolie,
Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.
Débouchez de ce vin que j'aime à la folie,
Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.

Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête
Ainsi qu'une épousée, et Paris est charmant.
Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,
Parle ! nous t'écoutons avec ravissement.

C'est le temps où l'on mène une jeune maîtresse
Cueillir la violette avec ses petits doigts,
Et toute créature a le coeur plein d'ivresse,
Excepté les pervers et les marchands de bois !

Collection: 
1857

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Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l'âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
Ils ravissent le paysage
De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain...

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi,...

A travers le bois fauve et radieux,
Récitant des vers sans qu'on les en prie,
Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
Les Comédiens, rois et demi-dieux.

Hérode brandit son glaive odieux ;
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie...

Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
Le pâtre qui vous voit, par les rayons de lune,
Bondir sur le tapis folâtre des gazons,
Dans votre vêtement de toutes les saisons !
Et toi qui fais pâmer les fleurs quand tu respires,
Fleur de neige, ô Cypris ! toi...

Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les...