Le Parnasse contemporain/1876/À une autre

Tu n’as pas voulu quand j’avais vingt ans ;
Tu n’as pas voulu dans le temps des roses
Où, n’ayant souci des plus douces choses,
Je n’aimais que toi de tout le printemps ;

Où j’aurais franchi les monts et les plaines
Pour te voir une heure et m’en retourner,
Où ma vie entière était à donner,
Où mon avenir avait les mains pleines.

J’allais devant moi d’un pas résolu,
J’avais pour étoile une tête blonde :
Si tu m’avais dit : « Donne-moi le monde ! »
Je l’aurais conquis. — Tu n’as pas voulu.

Voici l’heure, hélas ! où naissent les rides,
Déjà le soleil paraît décliner ;
Je n’ai plus ma vie entière à donner
Bientôt l’avenir aura les mains vides ;

Tristes, nous comptons les ans révolus…
Tu ne voulais pas dans le temps des roses,
L’automne est venu plein d’heures moroses,
Et tu voudrais bien, — mais je ne veux plus !

Collection: 
1971

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Quand vous voyez celui qui vous aime apparaître
Si courbé devant vous, le front si triste et bas,
Quand vous sentez sa vie attachée à vos pas…
Vous vous dites sans doute, en souriant peut-être :
Pourquoi m’aime-t-il donc, moi qui ne l’aime pas ?

Oh ! ne le plaignez...

Tu n’as pas voulu quand j’avais vingt ans ;
Tu n’as pas voulu dans le temps des roses
Où, n’ayant souci des plus douces choses,
Je n’aimais que toi de tout le printemps ;

Où j’aurais franchi les monts et les plaines
Pour te voir une heure et m’en retourner,
...

Tout ce qui charme est sur tes lèvres :
Les mots émus qu’on dit tout bas
Et ceux qui prennent leur ébats,
Partant, courant comme des lièvres ;
Le doux pli qui, tendre ou moqueur,
Égaie ou console mon cœur ;
La caresse dont tu me sèvres
Pour m’irriter ou...

Deux épis se montraient naguère
L’un près de l’autre au champ jauni ;
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Sa charge étant assez légère ;
L’autre paraissait accablé,
Tant il portait de grains de blé.
Heureux les pauvres que nous sommes !
Les trésors du monde...