Le Parnasse contemporain/1869/La Frégate

Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
À travers la mitraille & les flots irrités,
Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
Tu regrettes l’azur & les immensités.
Le bourgeois se prélasse en tes flancs attristés,
Et ta quille a des airs navrés de cul-de-jatte.

Le batelet t’insulte & le lourd remorqueur,
En rampant devant toi, te lance un cri moqueur.
Oh ! qui pourra sonder ton destin sans exemple ?

Ta cale désormais sert aux ablutions.
Ta proue est enchaînée & ta hune contemple
La Caisse des dépôts & consignations !

Collection: 
1971

More from Poet

L’Europe renaissait, et la pensée humaine
Si longtemps prisonnière allait rompre sa chaîne ;
Jours de lutte et de sang pleins d’ombre et de soleil.
Déjà la Renaissance et son éclat vermeil
Avaient illuminé la nuit sombre du cloître.
L’esprit voulait enfin s’...

La rivière aux flots bleus rêve les soirs d’été.
Elle dessine au loin sa courbe gracieuse
Pour se perdre dans l’ombre ; & le saule & l’yeuse
Reflètent leurs rameaux dans sa limpidité.

L’air est sans bruit, le ciel plein de sérénité.
La rive se recueille...

Tout dort. Les ponts avec le gaz de leurs lanternes
Se reflètent dans l’eau profonde. Entre les quais
Voguent péniblement des bateaux remorqués,
Et voici l’Hôtel-Dieu que flanquent des casernes.

Voyez, se découpant sur les nuages ternes,
Un vague entassement d’...

Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
À travers la mitraille & les flots irrités,
Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
Tu regrettes l’azur...

Les vieux hôtels qu’avaient respectés les années
Sous les coups des maçons tombent de toutes parts.
Ils gisent sur le sol, & leurs débris épars
Ont l’aspect douloureux des choses ruinées.

Comme leurs habitants ils ont leurs destinées ;
Leurs murs, que...