À Eugène Grangé

 
      La fille du gai Thespis
           Est tout endormie
      Et penche son front de lys
           Sur sa main blêmie.
      Ses Bacchantes aux doux yeux
      Ne versent plus le vin vieux ;
      Assez de pleurs ! j’aime mieux
           L’amour de ma mie.

      On dit que nous triomphons !
           O gaîté facile,
      Où sont tes joyeux bouffons
           Venus de Sicile ?
      Les grands mots ont effrayé
      Ce peuple au manteau rayé
      Dont Molière a défrayé
           La verve docile !

      Mais ta Muse lace encor
           A son pied d’albâtre
      Le léger brodequin d’or
           Qui sied au théâtre.
      L’Amour est votre échanson,
      Il rit à votre moisson :
      Qu’il nous rende la chanson
           Rieuse et folâtre !

      Que la Comédie au moins
           Ait son chant du cygne !
      Ah ! sans prendre tant de soins
           Pour paraître digne,
      Son beau rire était si prompt !
      Ami, sans lui faire affront,
      Rien ne sied mieux à son front
           Qu’un rameau de vigne.

Mai 1855.

Collection: 
1843

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Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l'âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
Ils ravissent le paysage
De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain...

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi,...

A travers le bois fauve et radieux,
Récitant des vers sans qu'on les en prie,
Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
Les Comédiens, rois et demi-dieux.

Hérode brandit son glaive odieux ;
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie...

Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
Le pâtre qui vous voit, par les rayons de lune,
Bondir sur le tapis folâtre des gazons,
Dans votre vêtement de toutes les saisons !
Et toi qui fais pâmer les fleurs quand tu respires,
Fleur de neige, ô Cypris ! toi...

Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les...