• Les canaux somnolents entre les quais de pierre
    Songent, entre les quais rugueux, comme en exil,
    Sans paysage clair qui se renverse au fil
    De l'eau qui rêve, -ainsi s'isole une âme fière, -

    L'âme de l'eau captive entre les quais dormants
    Où le ciel se transpose en pensive nuance
    Dont la douceur à du silence se fiance.
    Quelques nuages seuls cheminent par...

  • Il est une heure exquise à l'approche des soirs,
    Quand le ciel est empli de processions roses
    Qui s'en vont effeuillant des âmes et des roses
    Et balançant dans l'air des parfums d'encensoirs.

    Alors tout s'avivant sous les lueurs décrues
    Du couchant dont s'éteint peu à peu la rougeur,
    Un charme se révèle aux yeux las du songeur :
    Le charme des vieux...

  • I

    Au loin, le béguinage avec ses clochers noirs,
    Avec son rouge enclos, ses toits d'ardoises bleues
    Reflétant tout le ciel comme de grands miroirs,
    S'étend dans la verdure et la paix des banlieues.

    Les pignons dentelés étagent leurs gradins
    Par où montent le Rêve aux lointains qui brunissent,
    Et des branches parfois, sur les murs des jardins...

  • L'aquarium est si bleuâtre, si lunaire ;
    Fenêtre d'infini, s'ouvrant sur quel jardin ?
    Miroir d'éternité dont le ciel est le tain.
    Jusqu'où s'approfondit cette eau visionnaire,
    Et jusqu'à quel recul va-t-elle prolongeant
    Son azur ventilé par des frissons d'argent ?
    C'est comme une atmosphère en fleur de serre chaude ...
    De temps en temps, dans le silence, l'...

  • Morne l'après-midi des dimanches, l'hiver,
    Dans l'assoupissement des villes de province,
    Où quelque girouette inconsolable grince
    Seule, au sommet des toits, comme un oiseau de fer !

    Il flotte dans le vent on ne sait quelle angoisse !
    De très rares passants s'en vont sur les trottoirs :
    Prêtres, femmes du peuple en grands capuchons noirs,
    Béguines...

  • Des cloches, j'en ai su qui cheminaient sans bruit,
    Des cloches pauvres, qui vivaient dans des tourelles
    Sordides, et semblaient se lamenter entre elles
    De n'avoir de repos ni le jour ni la nuit.

    Des cloches de faubourg toussotantes, brisées ;
    Des vieilles, eût-on dit, qui dans la fin du jour
    Allaient se visiter de l'une à l'autre tour,
    Chancelantes,...

  • Les chambres, dans le soir, meurent réellement :
    Les persiennes sont des paupières se fermant
    Sur les yeux des carreaux pâles où tout se brouille ;
    Chaque fauteuil est un prêtre qui s'agenouille

    Pour l'entrée en surplis d'une extrême-onction ;
    La pendule dévide avec monotonie
    Les instants brefs de son rosaire d'agonie ;
    Et la glace encore claire offre...

  • Dans l'étang d'un grand coeur quand la douleur s'épanche
    Comme du soir, et met un tain d'ombre et de nuit
    Sous la surface en fleur de cette eau longtemps blanche
    Qui, durant le soleil et le bonheur enfui,

    N'avait rien reflété que le songe des rives,
    Alors l'étang du coeur se colore soudain
    D' un mirage agrandi dans le noir des eaux vives
    Arbres longs et...

  • L'obscurité, dans les chambres, le soir, est une
    Irréconciliable apporteuse de craintes ;
    En deuil, s'habillant d'ombre et de linges de lune,
    Elle inquiète ; elle a de félines étreintes

    Comme une eau des canaux traîtres où l'on se noie
    L'obscurité, c'est la tueuse de la joie
    Qui dépérit, bouquet de roses transitoires,
    Quand elle y verse un peu de ses...

  • Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits
    Si douce, toi la soeur pensive du silence,
    Ô toi l'immaculée en manteau d'indolence
    Qui gardes ta pâleur même à travers les nuits,

    Douce ! Tu les éteins et tu les atténues
    Les tumultes épars, les contours, les rumeurs ;
    Ô neige vacillante, on dirait que tu meurs
    Loin, tout au loin, dans le vague des avenues !...