• La plus délicate des roses
    Est, à coup sûr, la rose-thé.
    Son bouton aux feuilles mi-closes
    De carmin à peine est teinté.

    On dirait une rose blanche
    Qu'aurait fait rougir de pudeur,
    En la lutinant sur la branche,
    Un papillon trop plein d'ardeur.

    Son tissu rose et diaphane
    De la chair a le velouté ;
    Auprès, tout incarnat se fane
    ...

  • De leur col blanc courbant les lignes,
    On voit dans les contes du Nord,
    Sur le vieux Rhin, des femmes-cygnes
    Nager en chantant près du bord,

    Ou, suspendant à quelque branche
    Le plumage qui les revêt,
    Faire luire leur peau plus blanche
    Que la neige de leur duvet.

    De ces femmes il en est une,
    Qui chez nous descend quelquefois,
    Blanche...

  • Malheur, malheur à qui dans cette mer profonde
    Du coeur de l'homme jette imprudemment la sonde !
    Car le plomb bien souvent, au lieu du sable d'or,
    De coquilles de nacre aux beaux reflets de moire,
    N'apporte sur le pont que boue infecte et noire.
    - Oh ! si je pouvais vivre une autre vie encor !
    Certes, je n'irais pas fouiller dans chaque chose
    Comme j'...

  • La mort est multiforme, elle change de masque
    Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque ;
    Elle sait se farder,
    Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse,
    Qui vous montre les dents et vous fait la grimace
    Horrible à regarder.

    Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière,
    Ils ne dorment pas tous sur des chevets de pierre
    À l'ombre des...

  • Sur le bord d'un canal profond dont les eaux vertes
    Dorment, de nénufars et de bateaux couvertes,
    Avec ses toits aigus, ses immenses greniers,
    Ses tours au front d'ardoise où nichent les cigognes,
    Ses cabarets bruyants qui regorgent d'ivrognes,
    Est un vieux bourg flamand tel que les peint Teniers.
    - Vous reconnaissez-vous ? - Tenez, voilà le saule,
    De...

  • Que tu me plais dans cette robe
    Qui te déshabille si bien,
    Faisant jaillir ta gorge en globe,
    Montrant tout nu ton bras païen !

    Frêle comme une aile d'abeille,
    Frais comme un coeur de rose-thé,
    Son tissu, caresse vermeille,
    Voltige autour de ta beauté.

    De l'épiderme sur la soie
    Glissent des frissons argentés,
    Et l'étoffe à la chair...

  • Carmen est maigre - un trait de bistre
    Cerne son oeil de gitana ;
    Ses cheveux sont d'un noir sinistre ;
    Sa peau, le diable la tanna.

    Les femmes disent qu'elle est laide,
    Mais tous les hommes en sont fous ;
    Et l'archevêque de Tolède
    Chante la messe à ses genoux ;

    Car sur sa nuque d'ambre fauve
    Se tord un énorme chignon
    Qui, dénoué,...

  • La main au front, le pied dans l'âtre,
    Je songe et cherche à revenir,
    Par delà le passé grisâtre,
    Au vieux château du Souvenir.

    Une gaze de brume estompe
    Arbres, maisons, plaines, coteaux,
    Et l'oeil au carrefour qui trompe
    En vain consulte les poteaux.

    J'avance parmi les décombres
    De tout un monde enseveli,
    Dans le mystère...

  • Une jeune chimère, aux lèvres de ma coupe,
    Dans l'orgie, a donné le baiser le plus doux
    Elle avait les yeux verts, et jusque sur sa croupe
    Ondoyait en torrent l'or de ses cheveux roux.

    Des ailes d'épervier tremblaient à son épaule
    La voyant s'envoler je sautai sur ses reins ;
    Et faisant jusqu'à moi ployer sou cou de saule,
    J'enfonçai comme un...

  • J'aime ton nom d'Apollonie,
    Echo grec du sacré vallon,
    Qui, dans sa robuste harmonie,
    Te baptise soeur d'Apollon.

    Sur la lyre au plectre d'ivoire,
    Ce nom splendide et souverain,
    Beau comme l'amour et la gloire,
    Prend des résonances d'airain.

    Classique, il fait plonger les Elfes
    Au fond de leur lac allemand,
    Et seule la Pythie à...