• Ha ! main qui doucement me déchirez le coeur,
    Et qui tenez ma main en l'amoureux cordage,
    Main où nature veut montrer son bel ouvrage,
    Et où le ciel versa sa bénigne faveur,

    Las ! au lieu de ce gant qui reçoit tant d'honneur
    Que d'embrasser ce qui m'enflamme le courage,
    Permettez qu'à présent j'aie cet avantage
    Que d'être le gardien d'une telle...

  • Adriane, mon coeur, baise-moi, je te prie,
    Puisque ce doux baiser qui coule lentement
    Avec l'air frétillard d'un gentil mouvement
    Est le seul appétit qui chatouille ma vie.

    Or que moi transporté, orsus que toi ravie,
    De mille autres regards faits réciproquement,
    Nous puissions désormais nous voir si fermement
    Que la force des lynx ait dessus nous...

  • Pour donner de ma foi les preuves manifestes,
    Mon âme en vous servant est tombée en langueur,
    Amour, crainte et regret, désespoir et fureur,
    Sont de ma loyauté les marques plus secrètes.

    Je suis votre Actéon, ma Diane vous êtes
    Qui m'embrasez plus fort quand plus votre froideur
    Veut éteindre le feu allumé dans mon coeur,
    Prenant votre plaisir au...

  • Oeil mon petit mignon, ma douce friandise,
    Oeil bien caractéré des mignardes amours,
    Oeil miroir de mon coeur, je verrai donc toujours
    Quelque brave écumeur lequel me contredise.

    Oeil, je jure par l'heur et par la foi requise
    Au devoir d'amitié, que si tu n'as recours
    Au mépris du parler du variable cours,
    Tu verras tout soudain tous mes traits de...

  • Qui peut vous oublier, blondes filles du Nord,
    Au teint pâle, aux yeux bleus, si pures et si belles
    Qu'il nous semble toujours qu'aux voûtes éternelles
    Comme des séraphins, vous allez prendre essor !

    De vos yeux abrités sous vos longs cheveux d'or,
    Parfois, à votre insu, sortent des étincelles.
    C'est que le feu caché qui couve en vos prunelles
    N'a...

  • Rose, eût-il fallu te laisser dehors,
    chère exquise ?
    Que fait une rose là où le sort
    sur nous s'épuise ?

    Point de retour. Te voici
    qui partages
    avec nous, éperdue, cette vie, cette vie
    qui n'est pas de ton âge.

  • Ô mes amis, vous tous, je ne renie
    aucun de vous ; ni même ce passant
    qui n'était de l'inconcevable vie
    qu'un doux regard ouvert et hésitant.

    Combien de fois un être, malgré lui,
    arrête de son oeil ou de son geste
    l'imperceptible fuite d'autrui,
    en lui rendant un instant manifeste.

    Les inconnus. Ils ont leur large part
    à notre sort...

  • Douce courbe le long du lierre,
    chemin distrait qu'arrêtent des chèvres ;
    belle lumière qu'un orfèvre
    voudrait entourer d'une pierre.

    Peuplier, à sa place juste,
    qui oppose sa verticale
    à la lente verdure robuste
    qui s'étire et qui s'étale.

  • Beau papillon près du sol,
    à l'attentive nature
    montrant les enluminures
    de son livre de vol.

    Un autre se ferme au bord
    de la fleur qu'on respire - :
    ce n'est pas le moment de lire.
    Et tant d'autres encor,

    de menus bleus, s'éparpillent,
    flottants et voletants,
    comme de bleues brindilles
    d'une lettre d'amour au vent,...

  • Puisque tout passe, faisons
    la mélodie passagère ;
    celle qui nous désaltère,
    aura de nous raison.

    Chantons ce qui nous quitte
    avec amour et art ;
    soyons plus vite
    que le rapide départ.