• Depuis qu'Amour cruel empoisonna
    Premièrement de son feu ma poitrine,
    Toujours brûlai de sa fureur divine,
    Qui un seul jour mon coeur n'abandonna.

    Quelque travail, dont assez me donna,
    Quelque menace et prochaine ruine,
    Quelque penser de mort qui tout termine,
    De rien mon coeur ardent ne s'étonna.

    Tant plus qu'Amour nous vient fort assaillir...

  • Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
    Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
    Ô noires nuits vainement attendues
    Ô jours luisants vainement retournés !

    Ô tristes plaints, ô désirs obstinés,
    Ô temps perdu, ô peines dépendues,
    Ô mille morts en mille rets tendues,
    Ô pires maux contre moi destinés !

    Ô ris, ô front, cheveux, bras, mains et doigts...

  • Tout aussitôt que je commence à prendre
    Dans le mol lit le repos désiré,
    Mon triste esprit, hors de moi retiré,
    S'en va vers toi incontinent se rendre.

    Lors m'est avis que dedans mon sein tendre
    Je tiens le bien où j'ai tant aspiré,
    Et pour lequel j'ai si haut soupiré
    Que de sanglots ai souvent cuidé fendre.

    Ô doux sommeil, ô nuit à moi...

  • Luth, compagnon de ma calamité,
    De mes soupirs témoin irréprochable,
    De mes ennuis contrôleur véritable,
    Tu as souvent avec moi lamenté ;

    Et tant le pleur piteux t'a molesté
    Que, commençant quelque son délectable,
    Tu le rendais tout soudain lamentable,
    Feignant le ton que plein avais chanté.

    Et si tu veux efforcer au contraire,
    Tu te...

  • Las ! que me sert que si parfaitement
    Louas jadis et ma tresse dorée,
    Et de mes yeux la beauté comparée
    A deux Soleils, dont Amour finement

    Tira les traits causes de ton tourment ?
    Où êtes-vous, pleurs de peu de durée ?
    Et mort par qui devait être honorée
    Ta ferme amour et itéré serment ?

    Doncques c'était le but de ta malice
    De m'...

  • Quand vous lirez, ô Dames Lyonnoises,
    Ces miens écrits pleins d'amoureuses noises,
    Quand mes regrets, ennuis, dépits et larmes
    M'orrez chanter en pitoyables carmes,
    Ne veuillez point condamner ma simplesse,
    Et jeune erreur de ma folle jeunesse,
    Si c'est erreur. Mais qui dessous les Cieux
    Peut se vanter de n'être vicieux ?
    L'un n'est content de sa sorte...

  • Au temps qu'Amour, d'hommes et Dieux vainqueur,
    Faisait brûler de sa flamme mon coeur,
    En embrasant de sa cruelle rage
    Mon sang, mes os, mon esprit et courage,
    Encore lors je n'avais la puissance
    De lamenter ma peine et ma souffrance ;
    Encor Phébus, ami des lauriers verts,
    N'avait permis que je fisse des vers.
    Mais maintenant que sa fureur divine
    ...

  • D'un tel vouloir le serf point ne désire
    La liberté, ou son port le navire,
    Comme j'attends, hélas, de jour en jour,
    De toi, Ami, le gracieux retour.
    Là j'avais mis le but de ma douleur,
    Qui finirait quand j'aurais ce bonheur
    De te revoir ; mais de la longue attente,
    Hélas, en vain mon désir se lamente.
    Cruel, cruel, qui te faisait promettre
    Ton...

  • Quand j'aperçois ton blond chef, couronné
    D'un laurier vert, faire un luth si bien plaindre
    Que tu pourrais à te suivre contraindre
    Arbres et rocs ; quand je te vois orné,

    Et, de vertus dix mille environné,
    Au chef d'honneur plus haut que nul atteindre,
    Et des plus hauts les louanges éteindre,
    Lors dit mon coeur en soi passionné :

    Tant de...