• Elégie

    Quiconque aura premier la main embesongnée
    A te couper, forest, d'une dure congnée,
    Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
    Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
    Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
    Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
    Les b?ufs et les moutons de sa mère esgorgea,
    Puis pressé de la faim, soy-mesme se...

  • Ode

    Tu te moques, jeune ribaude :
    Si j'avais la tête aussi chaude
    Que tu es chaude sous ta cotte,
    Je n'aurais besoin de calotte,
    Non plus qu'à ton ventre il ne faut
    De pelisson, tant il est chaud.

    Tous les charbons ardents
    Allument là-dedans
    Le plus chaud de leur braise ;
    Un feu couvert en sort,
    Plus fumeux et plus fort
    ...

  • Ô Fontaine Bellerie,
    Belle fontaine chérie
    De nos Nymphes, quand ton eau
    Les cache au creux de ta source,
    Fuyantes le Satyreau,
    Qui les pourchasse à la course
    Jusqu'au bord de ton ruisseau,

    Tu es la Nymphe éternelle
    De ma terre paternelle :
    Pource en ce pré verdelet
    Vois ton Poète qui t'orne
    D'un petit chevreau de lait,...

  • Chanson

    Vu que tu es plus blanche que le lis,
    Qui t'a rougi ta lèvre vermeillette
    D'un si beau teint ? Qui est-ce qui t'a mis
    Sur ton beau sein cette couleur rougette ?

    Qui t'a noirci les arcs de tes sourcils ?
    Qui t'a bruni tes beaux yeux, ma maîtresse ?
    Ô grand beauté remplie de soucis,
    Ô grand beauté pleine de grand liesse !

    Ô...

  • Ces liens d'or, cette bouche vermeille,
    Pleine de lis, de roses et d'oeillets,
    Et ces coraux chastement vermeillets,
    Et cette joue à l'Aurore pareille ;

    Ces mains, ce col, ce front, et cette oreille,
    Et de ce sein les boutons verdelets,
    Et de ces yeux les astres jumelets,
    Qui font trembler les âmes de merveille,

    Firent nicher Amour dedans mon...

  • L'inimitié que je te porte,
    Passe celle, tant elle est forte,
    Des aigneaux et des loups,
    Vieille sorcîere deshontée,
    Que les bourreaux ont fouëttée
    Te honnissant de coups.

    Tirant apres toy une presse
    D'hommes et de femmes espesse,
    Tu monstrois nud le flanc,
    Et monstrois nud parmy la rue
    L'estomac, et l'espaule nue
    Rougissante de...

  • Je n'ay plus que les os, un Schelette je semble,
    Decharné, denervé, demusclé, depoulpé,
    Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
    Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble.

    Apollon et son filZ deux grans maistres ensemble,
    Ne me sçauroient guerir, leur mestier m'a trompé,
    Adieu plaisant soleil, mon oeil est estoupé,
    Mon corps s'en va...

  • Quand je pense à ce jour, où je la vey si belle
    Toute flamber d'amour, d'honneur et de vertu,
    Le regret, comme un trait mortellement pointu,
    Me traverse le coeur d'une playe eternelle.

    Alors que j'esperois la bonne grace d'elle,
    L'Amour a mon espoir que la Mort combattu :
    La Mort a mon espoir d'un cercueil revestu,
    Dont j'esperois la paix de ma longue...

  • Marie, que je sers en trop cruel destin,
    Quand d'un baiser d'amour votre bouche me baise,
    Je suis tout éperdu, tant le coeur me bat d'aise.
    Entre vos doux baisers puissé-je prendre fin !

    Il sort de votre bouche un doux flair, qui le thym,
    Le jasmin et l'oeillet, la framboise et la fraise
    Surpasse de douceur, tant une douce braise
    Vient de la bouche au...

  • Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
    Assise aupres du feu, devidant et filant,
    Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
    Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.

    Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
    Desja sous le labeur à demy sommeillant,
    Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
    Benissant vostre...