• Quand je te voy seule assise à par-toy,
    Toute amusée avecques ta pensée,
    Un peu la teste encontre bas baissée,
    Te retirant du vulgaire et de moy :

    Je veux souvent pour rompre ton esmoy,
    Te saluer, mais ma voix offensée,
    De trop de peur se retient amassée
    Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

    Souffrir ne puis les rayons de ta veuë :
    ...

  • Plût-il à Dieu n'avoir jamais tâté
    Si follement le tétin de m'amie !
    Sans lui vraiment l'autre plus grande envie,
    Hélas ! ne m'eût, ne m'eût jamais tenté.

    Comme un poisson, pour s'être trop hâté,
    Par un appât, suit la fin de sa vie,
    Ainsi je vois où la mort me convie,
    D'un beau tétin doucement apâté.

    Qui eût pensé, que le cruel destin
    ...

  • Si d'un mort qui pourri repose
    Nature engendre quelque chose,
    Et si la generation
    Se fait de la corruption,
    Une vigne prendra naissance
    De l'estomac et de la pance
    Du bon Rabelais, qui boivoit
    Tousjours ce pendant qu'il vivoit
    La fosse de sa grande gueule
    Eust plus beu de vin toute seule
    (L'epuisant du nez en deus cous)
    Qu'un porc ne hume...

  • Pipé des ruses d'Amour
    Je me promenois un jour
    Devant l'huis de ma cruelle,
    Et tant rebuté j'estois,
    Qu'en jurant je prometois
    De m'enfuir de chez elle.

    Il sufist d'avoir esté
    Neuf ou dix ans arresté
    Es cordes d'Amour, disoie,
    Il faut m'en developer,
    Ou bien du tout les couper
    Afin que libre je soie.

    Et pour ce faire, je...

  • Dans le serein de sa jumelle flamme
    Je vis Amour, qui son arc débandait,
    Et sur mon coeur le brandon épandait,
    Qui des plus froids les moelles enflamme.

    Puis çà puis là près les yeux de ma dame
    Entre cent fleurs un rets d'or me tendait,
    Qui tout crépu blondement descendait
    A flots ondés pour enlacer mon âme.

    Qu'eussé-je fait ? l'Archer était...

  • Une beauté de quinze ans enfantine,
    Un or frisé de maint crêpe anelet,
    Un front de rose, un teint damoiselet,
    Un ris qui l'âme aux Astres achemine ;

    Une vertu de telles beautés digne,
    Un col de neige, une gorge de lait,
    Un coeur jà mûr en un sein verdelet,
    En Dame humaine une beauté divine ;

    Un oeil puissant de faire jours les nuits,
    Une...

  • Peins-moi, Janet, peins-moi, je te supplie
    Dans ce tableau les beautés de m'amie
    De la façon que je te les dirai.
    Comme importun je ne te supplierai
    D'un art menteur quelque faveur lui faire :
    Il suffit bien si tu la sais portraire
    Ainsi qu'elle est, sans vouloir déguiser
    Son naturel pour la favoriser,
    Car la faveur n'est bonne que pour celles
    Qui...

  • Celui qui boit, comme a chanté Nicandre,
    De l'Aconite, il a l'esprit troublé,
    Tout ce qu'il voit lui semble estre doublé,
    Et sur ses yeux la nuit se vient espandre.

    Celui qui boit de l'amour de Cassandre,
    Qui par ses yeux au coeur est ecoulé,
    Il perd raison, il devient afolé,
    Cent fois le jour la Parque le vient prendre.

    Mais la chaut vive,...

  • Couché sous tes ombrages verts,
    Gastine, je te chante
    Autant que les Grecs, par leurs vers
    La forêt d'Érymanthe :

    Car, malin, celer je ne puis
    À la race future
    De combien obligé je suis
    À ta belle verdure,

    Toi qui, sous l'abri de tes bois,
    Ravi d'esprit m'amuses ;
    Toi qui fais qu'à toutes les fois
    Me répondent les Muses ;...

  • Comme un chevreuil, quand le printemps destruit
    L'oyseux crystal de la morne gelée,
    Pour mieulx brouster l'herbette emmielée
    Hors de son boys avec l'Aube s'en fuit,

    Et seul, et seur, loing de chiens et de bruit,
    Or sur un mont, or dans une vallée,
    Or pres d'une onde à l'escart recelée,
    Libre follastre où son pied le conduit ;

    De retz ne...