• À Louis-Xavier de Ricard.

    I

    La Vie est triomphante et l'Idéal est mort,
    Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
    Le cheval enivré du vainqueur broie et mord
    Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce.

    Et nous que la déroute a fait survivre, hélas !
    Les pieds meurtris, les yeux troubles, la tête lourde,
    Saignants, veules,...

  • Deux reîtres saouls, courant les champs, virent parmi
    La fange d'un fossé profond, une carcasse
    Humaine dont la faim torve d'un loup fugace
    Venait de disloquer l'ossature à demi.

    La tète, intacte, avait un rictus ennemi
    Qui nous attriste, nous énerve et nous agace.
    Or, peu mystiques, nos capitaines Fracasse
    Songèrent (John Falstaff lui-même en eût frémi...

  • C'est une laide de Boucher
    Sans poudre dans sa chevelure
    Follement blonde et d'une allure
    Vénuste à tous nous débaucher.

    Mais je la crois mienne entre tous,
    Cette crinière tant baisée,
    Cette cascatelle embrasée
    Qui m'allume par tous les bouts.

    Elle est à moi bien plus encor
    Comme une flamboyante enceinte
    Aux entours de la...

  • Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !
    L'or des cheveux, l'azur des yeux, la fleur des chairs,
    Et puis, parmi l'odeur des corps jeunes et chers,
    La spontanéité craintive des caresses !

    Sont-elles assez loin toutes ces allégresses
    Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers
    Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers
    De mes ennuis, de...

  • Ô triste, triste était mon âme
    A cause, à cause d'une femme.

    Je ne me suis pas consolé
    Bien que mon coeur s'en soit allé,

    Bien que mon coeur, bien que mon âme
    Eussent fui loin de cette femme.

    Je ne me suis pas consolé,
    Bien que mon coeur s'en soit allé.

    Et mon coeur, mon coeur trop sensible
    Dit à mon âme : Est-il possible,...

  • L'une avait quinze ans, l'autre en avait seize ;
    Toutes deux dormaient dans la même chambre.
    C'était par un soir très lourd de septembre
    Frêles, des yeux bleus, des rougeurs de fraise.

    Chacune a quitté, pour se mettre à l'aise,
    La fine chemise au frais parfum d'ambre.
    La plus jeune étend les bras, et se cambre,
    Et sa soeur, les mains sur ses seins...

  • Le soleil du matin doucement chauffe et dore
    Les seigles et les blés tout humides encore,
    Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
    L'on sort sans autre but que de sortir ; on suit,
    Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
    Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
    L'air est vif. Par moment un oiseau vole avec
    Quelque fruit de la haie ou quelque...

  • Votre âme est un paysage choisi
    Que vont charmant masques et bergamasques
    Jouant du luth et dansant et quasi
    Tristes sous leurs déguisements fantasques.

    Tout en chantant sur le mode mineur
    L'amour vainqueur et la vie opportune,
    Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
    Et leur chanson se mêle au clair de lune,

    Au calme clair de lune...

  • La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles
    Est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d'amour.
    Rester gai quand le jour, triste, succède au jour,
    Etre fort, et s'user en circonstances viles,

    N'entendre, n'écouter aux bruits des grandes villes
    Que l'appel, ô mon Dieu, des cloches dans la tour,
    Et faire un de ces bruits soi-même, cela pour
    L'...

  • De toutes les douleurs douces
    Je compose mes magies !
    Paul, les paupières rougies,
    Erre seul aux Pamplemousses.
    La Folle-par-amour chante
    Une ariette touchante.
    C'est la mère qui s'alarme
    De sa fille fiancée.
    C'est l'épouse délaissée
    Qui prend un sévère charme
    A s'exagérer l'attente
    Et demeure palpitante.
    C'est l'amitié qu'on néglige...