• Le grand désir du plaisir admirable
    Se doit nourrir par un contentement
    De souhaiter chose tant agréable.
    Que tout esprit peut ravir doucement.

    Ô que le fait doit être grandement
    Rempli de bien, quand pour la grand'envie
    On veut mourir, s'on ne l'a promptement :
    Mais ce mourir engendre une autre vie.

    (Rymes XIV)

  • Ami, je n'ai Laquais, ni Page,
    Qui bien sût faire mon message,
    Ne telle chose raconter
    Que me sens au cerveau monter
    En cette plaine, et bel espace.

    Mon Dieu, comme le monde passe
    En oisiveté par simplesse !
    Ne voit-on point tant de sagesse
    Que le plus fol demeure maître ?
    Il n'y a rien si beau, que d'être
    Auprès de quelque beau...

  • J'ai été par un long temps
    Déçue de l'espérance :
    Et si encor point n'attends
    D'elle plus grand'assurance,
    Que celle-là, que ma foi
    Me peut promettre de soi.

    je vois les uns fort contents,
    Les autres pleins de souffrances :
    De ceux-là les ris j'entends,
    De ceux-ci la douléance
    Ces passions j'aperçois
    Régner toutes deux en...

  • Comme le corps ne permet point de voir
    À son esprit, ni savoir sa puissance :
    Ainsi l'erreur, qui tant me fait avoir
    Devant les yeux le bandeau d'ignorance,
    Ne m'a permis d'avoir la connaissance
    De celui-là que, pour près le chercher,
    Les Dieux avaient voulu le m'approcher :
    Mais si haut bien ne m'a su apparaître.

    Parquoi à droit l'on me...

  • Point ne se faut sur Amour excuser,
    Comme croyant qu'il ait forme, et substance
    Pour nous pouvoir contraindre et amuser,
    Voire forcer à son obéissance :
    Mais accuser notre folle plaisance
    Pouvons-nous bien, et à la vérité,
    Par qui un coeur plein de légèreté
    Se laisse vaincre, ou à gain, ou à perte,
    Espérant plus, que n'aura mérité
    Son amitié de...

  • À qui plus est un Amant obligé :
    Ou à Amour, ou vraiment à sa Dame ?
    Car son service est par eux rédigé
    Au rang de ceux qui aiment lauds, et fame.

    À lui il doit le coeur, à elle l'Âme,
    Qui est autant comme à tous deux la vie ;
    L'un à l'honneur, l'autre à bien le convie ;
    Et toutefois voici un très-grand point,
    Lequel me rend ma pensée...

  • Je te promis au soir que, pour ce jour,
    Je m'en irais à ton instance grande
    Faire chez toi quelque peu de séjour :
    Mais je ne puis... parquoi me recommande,
    Te promettant m'acquitter pour l'amende,
    Non d'un seul jour, mais de toute ma vie,
    Ayant toujours de te complaire envie.
    Donc te supplie accepter le vouloir
    De qui tu as la pensée ravie...

  • Quand vous voyez, que l'étincelle
    Du chaste Amour sous mon aisselle
    Vient tous les jours à s'allumer,
    Ne me devez-vous bien aimer ?

    Quand vous me voyez toujours celle,
    Qui pour vous souffre, et son mal cèle,
    Me laissant par lui consumer,
    Ne me devez-vous bien aimer ?

    Quand vous voyez, que pour moins belle
    Je ne prends contre vous...

  • La nuit était pour moi si très-obscure
    Que Terre et Ciel elle m'obscurcissait,
    Tant qu'à Midi de discerner figure
    N'avais pouvoir - qui fort me marrissait :

    Mais quand je vis que l'aube apparaissait
    En couleurs mille et diverse, et sereine
    Je me trouvai de liesse si pleine -
    Voyant déjà la clarté à la ronde -
    Que commençai louer à voix hautaine...

  • Si je n'ai pu comme voulois
    Vous réciter au long, et dire
    Ce de quoi tant je me doulois,
    Imputez-le à mon coeur plein d'ire,
    Pour n'avoir pu ouïr médire.
    Du bien, que je dois estimer,
    Et pour qui on devrait maudire
    Tous ceux qui m'en veulent blâmer.

    (Rymes XXIX)