• Souffle dans moy, Seigneur, souffle dedans mon âme
    Une part seulement de ta saincte grandeur ;
    Engrave ton vouloir au rocher de mon cueur
    Pour asseurer le feu qui mon esprit enflame.

    Supporte, Seigneur Dieu, l'imparfaict de ma flâme
    Qui deffault trop en moy : Ren toy le seul vainqueur,
    Et de ton grand pouvoir touche, époinçonne, entame
    Le feu, le...

  • J'ay trop servi de fable au populaire
    En vous aymant, trop ingrate maistresse ;
    Suffise vous d'avoir eu ma jeunesse.

    J'ay trop cherché les moyens de complaire
    A vos beaus yeux, causes de ma détresse :
    Suffise vous d'avoir eu ma jeunesse.

    Il vous falloit me tromper ou m'attraire
    Dedans vos lacs d'une plus fine addresse :
    Suffise vous d'...

  • L'automne suit l'Esté et la belle verdure
    Du printemps rajeuni est ensuvant l'yver,
    Tousjours sur la marine on ne voit estriver
    Le North contre la nef errante à l'aventure,

    Nous ne voyons la Lune estre tousjours obscure ;
    Ainsi comme un croissant on la voit arriver ;
    Toute chose se change au gré de la nature,
    Et seul ce changement je ne puis esprouver...

  • Tout passe par leurs mains, rien ne se fait sans eux,
    Ils ont sur le Royaume une pleine puissance,
    On soutient qu'il leur faut porter obéissance
    Car on les a élus plus sages et plus vieux.

    Mais s'il est question d'un de ces Demi-dieux,
    Sous ombre de l'appât d'une folle espérance,
    Ils font tout, et fut-il contraire à l'ordonnance,
    Tant on craint...

  • Délivre-moi, Seigneur, de cette mer profonde
    Où je vogue incertain, tire-moi dans ton port :
    Environne mon coeur de ton rempart plus fort,
    Et viens me défendant des soldats de ce monde :

    Envoie-moi ton esprit pour y faire la ronde,
    Afin qu'en pleine nuit on ne me fasse tort
    Autrement, Seigneur Dieu, je vois, je vois la mort
    Qui me tire vaincu sur...

  • Ce n'est plus moy que veult faire d'un rien grand'chose ;
    Je ne cizelle plus sur l'immortalité
    Le soudain changement d'une vaine beauté,
    Ornant de deshonneur les vers que je compose ;

    Je ne veux plus cacher par la Métamorphose
    Cela qui est mortel dessous la déité,
    Esclavant follement ma douce liberté :
    Pour un malheur subject ma rythme je dispose....

  • Sa flame est morte et la mienne a pris vie,
    Ainsi qu'on voit l'arbrisseau renaissant
    Au pied du tronc qui s'en va périssant
    Sous le ridé de l'escorce pourrie :

    Il est au Ciel hors le danger d'envie,
    Et je suis cy, après vous languissant,
    Craignant tousjours l'envieux pâlissant,...

  • Plus je suis tourmenté, plus je me sens heureux
    Plus je suis assailli, et plus je me renforce,
    Plus j'ay de poursuyvans, plus s'augmente ma force,
    Plus je suis au combat, plus je suis courageux.

    Et plus je suis vaincu, plus suis-je audacieux :
    Un coup d'estoc receu ne me sert que d'amorce,
    Et pour un coup de lance, une chute, une estorce,
    Un coup de...

  • Ces beaux cheveux crêpés, qu'en mille et mille sortes
    Tu trousses bravement sur le haut de ton front,
    Dedans vingt ou trente ans au monde ne seront
    Mais avec le corail de tes deux lèvres mortes :

    Ces deux monts cailletés, des deux fraises retordes,
    Ces deux bras potelés, et ces beaux doigts mourront,
    Seulement au cercueil les cendres demeur'ront
    ...

  • Après que sur le bord du Rhône,
    Et que sur celui de la Saône
    J'ai plaint longuement ma douleur,
    Je viens aux rivages d'Isère,
    Rempli d'amoureuse chaleur,
    Lamenter ma vieille misère
    S'empirant d'un nouveau malheur.

    Car plus en moi-même je pense
    D'amoindrir mon mal par l'absence,
    Ou par l'éloignement des lieux,
    Et plus il croit...