• Il n'est que l'ombre de la treille
    Pour se rafraîchir plaisamment
    Et n'y a ombre sa pareille
    Ni qui tienne plus fraîchement,
    Et si est saine grandement.
    Puis troncs, branches, fruits et la feuille
    (Mais qu'en leur saison on les cueille),
    Tout est à l'homme secourable,
    Et (qui est plus grande merveille)
    Leur liqueur est très profitable.

  • Le temps n'est plus tel comme il soulait être
    Loyale amour ne règne qu'en écus,
    Foi est malade, on sert le dieu
    Bacchus Et les brebis font plusieurs moutons paître.

    L'église a mis la tête hors du chevêtre,
    Vérité dort, faveur tient droit reclus,
    Justice est morte et ne s'en parle plus,
    Et charité ne vient point comparaître.

    Tous les...

  • Ne t'ébahis, Ronsard, la moitié de mon âme,
    Si de ton Du Bellay France ne lit plus rien,
    Et si avec l'air du ciel italien
    Il n'a humé l'ardeur qui l'Italie enflamme.

    Le saint rayon qui part des beaux yeux de ta dame
    Et la sainte faveur de ton prince et du mien,
    Cela, Ronsard, cela, cela mérite bien
    De t'échauffer le coeur d'une si vive flamme.
    ...

  • Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré,
    Et l'une chambre à l'autre également voisine
    D'antichambre servir, de salle et de cuisine,
    En un petit recoin de dix pieds en carré :

    Il fait bon voir autour le palais emmuré,
    Et briguer là-dedans cette troupe divine,
    L'un par ambition, l'autre par bonne mine,
    Et par dépit de l'un être l'autre adoré :...

  • Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
    Que j'étudie trop, que je fasse l'amour,
    Et que d'avoir toujours ces livres à l'entour
    Rend les yeux éblouis et la tête alourdie.

    Mais tu ne l'entends pas : car cette maladie
    Ne me vient du trop lire ou du trop long séjour,
    Ainsi de voir le bureau, qui se tient chacun jour :
    C'est, Pierre mon ami, le livre où...

  • Qui voudrait figurer la romaine grandeur
    En ses dimensions, il ne lui faudrait querre
    A la ligne et au plomb, au compas, à l'équerre,
    Sa longueur et largeur, hautesse et profondeur :

    Il lui faudrait cerner d'une égale rondeur
    Tout ce que l'océan de ses longs bras enserre,
    Soit où l'astre annuel échauffe plus la terre,
    Soit où souffle Aquilon sa plus...

  • Ô beaux cheveux d'argent mignonnement retors !
    Ô front crêpe et serein ! et vous, face dorée !
    Ô beaux yeux de cristal ! ô grand bouche honorée,
    Qui d'un large repli retrousses tes deux bords !

    Ô belles dents d'ébène ! ô précieux trésors,
    Qui faites d'un seul ris toute âme enamourée !
    Ô gorge damasquine en cent plis figurée !
    Et vous, beaux grands...

  • Je ne veux point fouiller au sein de la nature,
    Je ne veux point chercher l'esprit de l'univers,
    Je ne veux point sonder les abîmes couverts,
    Ni dessiner du ciel la belle architecture.

    Je ne peins mes tableaux de si riche peinture,
    Et si hauts arguments ne recherche à mes vers :
    Mais suivant de ce lieu les accidents divers,
    Soit de bien, soit de mal, j'...

  • Où que je tourne l'oeil, soit vers le Capitole,
    Vers les bains d'Antonin ou Dioclétien,
    Et si quelque oeuvre encor dure plus ancien
    De la porte Saint-Paul jusques à Ponte-mole :

    Je déteste à part moi ce vieux faucheur, qui vole,
    Et le ciel, qui ce tout a réduit en un rien :
    Puis songeant que chacun peut répéter le sien,
    Je me blâme, et connais que...

  • Heureux celui qui peut longtemps suivre la guerre
    Sans mort, ou sans blessure, ou sans longue prison !
    Heureux qui longuement vit hors de sa maison
    Sans dépendre son bien ou sans vendre sa terre !

    Heureux qui peut en cour quelque faveur acquerre
    Sans crainte de l'envie ou de quelque traïson !
    Heureux qui peut longtemps sans danger de poison
    Jouir d'un...