• Ou soit que la clairté du soleil radieux
    Reluise dessus nous, ou soit que la nuict sombre
    Luy efface son jour, et de son obscur ombre
    Renoircisse le rond de la voulte des cieux :

    Ou soit que le dormir s'escoule dans mes yeux,
    Soit que de mes malheurs je recherche le nombre,
    Je ne puis eviter à ce mortel encombre,
    Ny arrester le cours de mon mal...

  • Comme un qui s'est perdu dans la forest profonde
    Loing de chemin, d'orée et d'adresse, et de gens :
    Comme un qui en la mer grosse d'horribles vens,
    Se voit presque engloutir des grans vagues de l'onde :

    Comme un qui erre aux champs, lors que la nuict au monde
    Ravit toute clarté, j'avois perdu long temps
    Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens,
    ...

  • Si quelqu'un veut savoir qui me lie et enflamme,
    Qui esclave a rendu ma franche liberté,
    Et qui m'a asservi, c'est l'exquise beauté,
    D'une que jour et nuit j'invoque et je réclame.

    C'est Le feu, c'est Le noeud, qui lie ainsi mon âme,
    Qui embrase mon coeur, et le tient garotté
    D'un lien si serré de ferme loyauté,
    Qu'il ne sauroit aimer ni servir autre...

  • En tous maux que peut faire un amoureux orage
    Pleuvoir dessus ma tête, il me plaît d'assurer
    Et séréner mon front, et sans deuil mesurer
    De l'âme l'allégresse à celle du visage.

    Ta fille tendrelette admirable en cet âge
    Où elle tette encor, vient tes coups endurer
    Sur ses petites mains, sans crier, sans pleurer,
    Sans frayeur, sans aigrir visage ni...

  • Je m'étoy retiré du peuple, et solitaire
    Je tachoy tous les jours de jouir sainctement
    Des celestes vertus, que jadis justement
    Jupiter retira des yeux du populaire.

    Ja les unes venoyent devers moy se retraire,
    Les autres j'appelloy de moment en moment
    Quand l'amour traistre helas! (las trop fatalement)
    Ce fut, ô ma Pandore, en mall'heure me plaire :...

  • Passant dernièrement des Alpes au travers
    (J'entens ces Alpes haults, dont les roches cornues
    Paroissent en hauteur outrepasser les nues)
    Lors qu'ils estoient encor' de neige tous couvers,

    J'apperçeus deux effects estrangement divers,
    Et choses que je croy jamais n'estre avenues
    Ailleurs : car par le feu les neiges sont fondues,
    Le chaud chasse le...

  • De quel soleil, Diane, empruntes-tu tes traits,
    La flamme, la clarté de ta face divine ?
    Le haut Amour, grand feu du monde où il domine,
    Luit sur toi, puis sur nous luire ainsi tu te fais.

    Pour toi les beaux pensers, les paroles, les faits
    Il crée en nous par toi, ni jamais trop voisine
    Ne voile son beau feu, qui sans fin enlumine
    Nos coeurs,...

  • Mesme effect qu'ont les vents enclos dessous la terre
    Qui d'un coup ennemy causent le tremblement
    Dont on voit renverser jusques au fondement
    Tant de belles citez, vray presage de guerre :

    Ou qu'ont dessous l'effroy d'un horrible tonnerre
    Le Feu, la Terre, l'Eau, et ce vague element
    Qui nous guide icy bas le vif ébranlement
    De tant d'eclas...

  • Je meure si jamais j'adore plus tes yeux,
    Cruelle dédaigneuse, et superbe Maistresse,
    Si jamais plus, menteur, je fais une Déesse
    D'un subject ennemy de ce qui l'ayme mieux.

    C'est moy qui t'ay logée au plus haut lieu des Cieux,
    Déguisant ton Esté d'une fleur de jeunesse :
    C'est moy qui t'ay doré l'Ebene de ta tresse,
    Faisant de ton seul oeil un...

  • Je vivois mais je meurs, et mon coeur gouverneur
    De ces membres, se loge autre part : je te prie
    Si tu veux que j'acheve en ce monde ma vie,
    Rend le moy, ou me rens au lieu de luy ton coeur.

    Ainsi tu me rendras à moy-mesme, et tel heur
    Te rendra mesme à toy : ainsi l'amour qui lie
    Le seul amant, liera et l'amant et l'amie :
    Autrement ta rigueur feroit...