• Sur mes vingt ans, pur d'offense et de vice,
    Guidé, mal-caut, d'un trop aveugle oiseau,
    Ayant encore le menton damoiseau,
    Sain et gaillard je vins à ton service.

    Mais, ô cruelle, outré de ta malice,
    Je m'en retourne en une vieille peau,
    En chef grison, en perte de mon beau :
    Tels sont d'Amour les jeux et l'exercice.

    Hélas, que dis-je ! où...

  • Amour, je ne me plains de l'orgueil endurci,
    Ni de la cruauté de ma jeune Lucrèce,
    Ni comme, sans recours, languir elle me laisse :
    Je me plains de sa main et de son godmicy.

    C'est un gros instrument par le bout étréci,
    Dont chaste elle corrompt toute nuit sa jeunesse :
    Voilà contre l'Amour sa prudente finesse,
    Voilà comme elle trompe un amoureux souci...

  • Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
    Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
    Faites cela vers moi dont votre nom vous prie,
    Votre amour ne se peut en meilleur lieu donner.

    S'il vous plaît pour jamais un plaisir demener,
    Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
    Pendus l'un l'autre au col, et jamais nulle envie
    D'aimer en autre lieu...

  • J'ay varié ma vie en devidant la trame
    Que Clothon me filoit entre malade et sain,
    Maintenant la santé se logeoit en mon sein,
    Tantost la maladie extreme fleau de l'ame.

    La goutte ja vieillard me bourrela les veines,
    Les muscles et les nerfs, execrable douleur,
    Montrant en cent façons par cent diverses peines
    Que l'homme n'est sinon le subject de...

  • Je voudrais être Ixion et Tantale,
    Dessus la roue et dans les eaux là-bas,
    Et nu à nu presser entre mes bras
    Cette beauté qui les anges égale.

    S'ainsi était, toute peine fatale
    Me serait douce et ne me chaudrait pas,
    Non, d'un vautour fussé-je le repas,
    Non, qui le roc remonte et redévale.

    Lui tâtonner seulement le tétin.
    Echangerait l'...

  • Contente-toi d'un point :
    Tu es, je n'en mens point,
    Trop chaude à la curée ;
    Un coup suffit, la nuit,
    L'ordinaire qui suit
    Est toujours de durée.

    De reins faibles je suis,
    Relever je ne puis :
    Un cheval de bon être,
    Qui au montoir se plaît,
    Sans un nouveau surcroît
    Porte toujours son maître.

    Le nombre plus parfait
    ...

  • Quand en songeant ma folâtre j'acolle,
    Laissant mes flancs sur les siens s'allonger,
    Et que, d'un branle habilement léger,
    En sa moitié ma moitié je recolle !

    Amour, adonc si follement m'affole,
    Qu'un tel abus je ne voudroi changer,
    Non au butin d'un rivage étranger,
    Non au sablon qui jaunoie en Pactole.

    Mon dieu, quel heur, et quel...

  • Nuit, des amours ministre et sergente fidele
    Des arrests de Venus, et des saintes lois d'elle,
    Qui secrete acompaignes
    L'impatient ami de l'heure acoutumée,
    Ô l'aimée des Dieus, mais plus encore aimée
    Des étoiles compaignes,

    Nature de tes dons adore l'excellence,
    Tu caches lés plaisirs desous muet silence
    Que l'amour jouissante
    Donne, quand...

  • J'aï pour maistresse une etrange Gorgonne,
    Qui va passant les anges en beauté,
    C'est un vray Mars en dure cruauté,
    En chasteté la fille de Latonne.

    Quand je la voy, mile fois je m'estonne
    La larme à l'oeil, ou que ma fermeté
    Ne la flechit, ou que sa dureté
    Ne me conduit d'où plus on ne retourne.

    De la nature un coeur je n'ay receu,
    ...

  • Le vintieme d'Avril couché sur l'herbelette,
    Je vy, ce me sembloit, en dormant un chevreuil,
    Qui ça, puis là, marchoit où le menoit son vueil,
    Foulant les belles fleurs de mainte gambelette.

    Une corne et une autre encore nouvellette
    Enfloit son petit front, petit, mais plein d'orgueil
    Comme un Soleil luisoit par les prets son bel oeil,
    Et...