• Au clos de notre amour, l'été se continue :
    Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue ;
    Des pétales pavoisent
    - Perles, émeraudes, turquoises -
    L'uniforme sommeil des gazons verts
    Nos étangs bleus luisent, couverts
    Du baiser blanc des nénuphars de neige ;
    Aux quinconces, nos groseilliers font des cortèges ;
    Un insecte de prisme irrite un coeur de fleur...

  • Ô la splendeur de notre joie
    Tissée en or dans l'air de soie !

    Voici la maison douce et son pignon léger,
    Et le jardin et le verger.

    Voici le banc, sous les pommiers
    D'où s'effeuille le printemps blanc,
    A pétales frôlants et lents.

    Voici des vols de lumineux ramiers
    Planant, ainsi que des présages,
    Dans le ciel clair du paysage...

  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'armoire de hêtre.

    J'écoute et te voici qui tisonnes le feu
    Et réveilles les braises...

  • Viens jusqu'à notre seuil répandre
    Ta blanche cendre
    Ô neige pacifique et lentement tombée :
    Le tilleul du jardin tient ses branches courbées
    Et plus ne fuse au ciel la légère calandre.

    Ô neige,
    Qui réchauffes et qui protèges
    Le blé qui lève à peine
    Avec la mousse, avec la laine
    Que tu répands de plaine en plaine !
    Neige silencieuse...

  • Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte,
    Si profonde qu'elle en est sainte
    Et qu'à travers le corps même, l'amour soit clair ;
    Nous descendons ensemble au jardin de la chair.

    Tes seins sont là ainsi que des offrandes,
    Et tes deux mains me sont tendues ;
    Et rien ne vaut la naïve provende
    Des paroles dites et entendues.

    L'ombre...

  • J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
    Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit,
    Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie
    M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui.

    Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace ;
    Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
    Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses...

  • Quand le ciel étoilé couvre notre demeure
    Nous nous taisons durant des heures
    Devant son feu intense et doux
    Pour nous sentir, plus fervemment, émus de nous.

    Les grands astres d'argent tracent là-haut leur route ;
    Sous les flammes et les lueurs
    La nuit étend ses profondeurs
    Et le calme est si grand que l'océan l'écoute !

    Mais qu'importe que...

  • Dans la maison où notre amour a voulu naître,
    Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins,
    Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins
    Les roses qui nous regardent par les fenêtres.

    Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort,
    Et des heures d'été, si belles de silence,
    Que j'arrête parfois le temps qui se balance,
    Dans l'horloge...

  • Vivons, dans notre amour et notre ardeur,
    Vivons si hardiment nos plus belles pensées
    Qu'elles s'entrelacent harmonisées
    A l'extase suprême et l'entière ferveur,

    Parce qu'en nos âmes pareilles,
    Quelque chose de plus sacré que nous
    Et de plus pur, et de plus grand s'éveille,
    Joignons les mains pour l'adorer à travers nous.

    Il n'importe que...

  • Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
    Enterrer cependant Paris qu'elle a vu naître ;
    Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
    Comme un loup fait un boeuf, cette carcasse lourde,
    Tordra ses nerfs de fer, et puis d'une dent sourde
    Rongera tristement ses vieux os de rocher !

    Bien des hommes, de tous les pays de la terre
    Viendront...