• De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle,
    Je sens mon coeur transi d'une morne froideur,
    Et ne sens plus en moi cette divine ardeur
    Qui t'enflamme l'esprit de sa vive étincelle.

    Seulement quand je veux toucher le los de celle
    Qui est de notre siècle et la perle et la fleur,
    Je sens revivre en moi cette antique chaleur,
    Et mon esprit lassé...

  • Déjà la nuit en son parc amassait
    Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
    Et, pour entrer aux cavernes profondes,
    Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;

    Déjà le ciel aux Indes rougissait,
    Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
    Faisant grêler mille perlettes rondes,
    De ses trésors les prés enrichissait :

    Quand d'occident, comme une...

  • Ici de mille fards la traïson se déguise,
    Ici mille forfaits pullulent à foison,
    Ici ne se punit l'homicide ou poison,
    Et la richesse ici par usure est acquise

    Ici les grands maisons viennent de bâtardise,
    Ici ne se croit rien sans humaine raison,
    Ici la volupté est toujours de saison,
    Et d'autant plus y plaît que moins elle est permise.

    ...

  • Ô de qui la vive course
    Prend sa bienheureuse source,
    D'une argentine fontaine,
    Qui d'une fuite lointaine,
    Te rends au sein fluctueux
    De l'Océan monstrueux,
    Loire, hausse ton chef ores
    Bien haut, et bien haut encores,
    Et jette ton oeil divin
    Sur ce pays Angevin,
    Le plus heureux et fertile,
    Qu'autre où ton onde distille.
    Bien d'autres...

  • Dessus un mont une flamme allumée
    A triple pointe ondoyait vers les cieux,
    Qui de l'encens d'un cèdre précieux
    Parfumait l'air d'une odeur embaumée.

    D'un blanc oiseau l'aile bien emplumée
    Semblait voler jusqu'au séjour des dieux,
    Et dégoisant un chant mélodieux
    Montait au ciel avecques la fumée.

    De ce beau feu les rayons écartés
    ...

  • Si tu m'en crois, Baïf, tu changeras Parnasse
    Au palais de Paris, Hélicon au parquet,
    Ton laurier en un sac, et ta lyre au caquet
    De ceux qui, pour serrer, la main n'ont jamais lasse.

    C'est à ce métier-là que les biens on amasse,
    Non à celui des vers, où moins y a d'acquêt
    Qu'au métier d'un bouffon ou celui d'un naquet.
    Fi du plaisir, Baïf, qui...

  • Ayant tant de malheurs gémi profondément,
    Je vis une cité quasi semblable à celle
    Que vit le messager de la bonne nouvelle,
    Mais bâti sur le sable était son fondement.

    Il semblait que son chef touchât au firmament,
    Et sa forme n'était moins superbe que belle :
    Digne, s'il en fut onc, digne d'être immortelle,
    Si rien dessous le ciel se fondait fermement...

  • Gordes, j'ai en horreur un vieillard vicieux
    Qui l'aveugle appétit de la jeunesse imite,
    Et jà froid par les ans de soi-même s'incite
    A vivre délicat en repos otieux.

    Mais je ne crains rien tant qu'un jeune ambitieux
    Qui pour se faire grand contrefait de l'hermite,
    Et voilant sa traïson d'un masque d'hypocrite,
    Couve sous beau semblant un coeur...

  • Sonnet

    Serf de Faveur, esclave d'Avarice,
    Tu n'eus jamais sur toi-même pouvoir,
    Et je me veux d'un tel maître pourvoir
    Que l'Esprit libre en plaisir se nourrisse.

    L'Air, la Fortune et l'humaine Police
    Ont en leurs mains ton malheureux avoir.
    Le Juge avare ici n'a rien à voir,
    Ni les trois Soeurs, ni du Temps la malice,

    Regarde...

  • Ronsard, j'ai vu l'orgueil des colosses antiques,
    Les théâtres en rond ouverts de tous côtés,
    Les colonnes, les arcs, les hauts temples voûtés,
    Et les sommets pointus des carrés obélisques.

    J'ai vu des empereurs les grands thermes publiques,
    J'ai vu leurs monuments que le temps a domptés,
    J'ai vu leurs beaux palais que l'herbe a surmontés,
    Et des...