• Tu ne crains la fureur de ma plume animée,
    Pensant que je n'ai rien à dire contre toi,
    Sinon ce que ta rage a vomi contre moi,
    Grinçant comme un mâtin la dent envenimée.

    Tu crois que je n'en sais que par la renommée,
    Et que quand j'aurai dit que tu n'as point de foi,
    Que tu es affronteur, que tu es traître au roi,
    Que j'aurai contre toi ma force...

  • Voyant l'ambition, l'envie, et l'avarice,
    La rancune, l'orgueil, le désir aveuglé,
    Dont cet âge de fer de vices tout rouillé
    A violé l'honneur de l'antique justice :

    Voyant d'une autre part la fraude, la malice,
    Le procès immortel, le droit mal conseillé :
    Et voyant au milieu du vice déréglé
    Cette royale fleur, qui ne tient rien du vice :

    ...

  • Non pour ce qu'un grand roi ait été votre père,
    Non pour votre degré et royale hauteur,
    Chacun de votre nom veut être le chanteur,
    Ni pour ce qu'un grand roi soit ores votre frère.

    La nature, qui est de tous commune mère,
    Vous fit naître, Madame, avecques ce grand heur,
    Et ce qui accompagne une telle grandeur,
    Ce sont souvent des dons de fortune...

  • Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
    Dont le prince ne voit que par les yeux d'autrui,
    N'entend que par ceux-là qui répondent pour lui,
    Aveugle, sourd et muet plus que n'est une pierre !

    Tels sont ceux-là, Seigneur, qu'aujourd'hui l'on resserre
    Oisifs dedans leur chambre, ainsi qu'en un étui,
    Pour durer plus longtemps, et ne sentir l'ennui
    Que...

  • Depuis que j'ai laissé mon naturel séjour
    Pour venir où le Tibre aux flots tortus ondoie,
    Le ciel a vu trois fois par son oblique voie
    Recommencer son cours la grand lampe du jour.

    Mais j'ai si grand désir de me voir de retour
    Que ces trois ans me sont plus qu'un siège de Troie,
    Tant me tarde, Morel, que Paris je revoie,
    Et tant le ciel pour moi fait...

  • ur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée,
    Croisant les bras au ciel avec mille sanglots,
    Accordait cette plainte au murmure des flots,
    Outrageant son beau teint et sa tresse dorée :

    Las, où est maintenant cette face honorée,
    Où est cette grandeur et cet antique los,
    Où tout l'heur et l'honneur du monde fut enclos,
    Quand des hommes j'étais et des dieux...

  • Si la perte des tiens, si les pleurs de ta mère,
    Et si de tes parents les regrets quelquefois,
    Combien, cruel Amour, que sans amour tu sois,
    T'ont fait sentir le deuil de leur complainte amère :

    C'est or qu'il faut montrer ton flambeau sans lumière,
    C'est or qu'il faut porter sans flèches ton carquois,
    C'est or qu'il faut briser ton petit arc turquois,...

  • Morel, quand quelquefois je perds le temps à lire
    Ce que font aujourd'hui nos trafiqueurs d'honneurs,
    Je ris de voir ainsi déguiser ces seigneurs,
    Desquels (comme l'on dit) ils font comme de cire.

    Et qui pourrait, bons dieux ! se contenir de rire
    Voyant un corbeau peint de diverses couleurs,
    Un pourceau couronné de roses et de fleurs,
    Ou le...

  • Comme le champ semé en verdure foisonne,
    De verdure se hausse en tuyau verdissant,
    Du tuyau se hérisse en épi florissant,
    D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :

    Et comme en la saison le rustique moissonne
    Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
    Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant
    Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :...

  • On donne les degrés au savant écolier,
    On donne les états à l'homme de justice,
    On donne au courtisan le riche bénéfice
    Et au bon capitaine on donne le collier :

    On donne le butin au brave aventurier,
    On donne à l'officier les droits de son office,
    On donne au serviteur le gain de son service,
    Et au docte poète on donne le laurier.

    ...