• Maudit soit mille fois le Borgne de Libye,
    Qui, le coeur des rochers perçant de part en part,
    Des Alpes renversa le naturel rempart,
    Pour ouvrir le chemin de France en Italie.

    Mars n'eût empoisonné d'une éternelle envie
    Le coeur de l'Espagnol et du Français soudard,
    Et tant de gens de bien ne seraient en hasard
    De venir perdre ici et l'honneur et la...

  • Quiconque soit qui s'étudie
    En leur langue imiter les vieux,
    D'une entreprise trop hardie
    II tente la voie des cieux,
    Croyant en des ailes de cire,
    Dont Phébus le peut déplumer
    Et semble, à le voir, qu'il désire
    Donner nouveaux noms à la mer.
    Il y met de l'eau, ce me semble,
    Et pareil peut être encore est
    A celui qui du bois assemble...

  • Muse, qui autrefois chantas la verte Olive,
    Empenne tes deux flancs d'une plume nouvelle,
    Et te guidant au ciel avecques plus haute aile,
    Vole où est d'Apollon la belle plante vive.

    Laisse, mon cher souci, la paternelle rive,
    Et portant dsormais une charge plus belle,
    Adore ce haut nom dont la gloire immortelle
    De notre pôle arctique à l'autre...

  • Si après quarante ans de fidèle service
    Que celui que je sers a fait en divers lieux,
    Employant, libéral, tout son plus et son mieux
    Aux affaires qui sont de plus digne exercice,

    D'un haineux étranger l'envieuse malice
    Exerce contre lui son courage odieux,
    Et sans avoir souci des hommes ni des dieux,
    Oppose à la vertu l'ignorance et le vice,

    ...

  • Les Boys fueilluz, et les herbeuses Ryves
    N'admirent tant parmy sa Troupe saincte
    Dyane, alors que le chaut l'a contrainte
    De pardonner aux bestes fugitives.

    Que tes beautez, dont les autres tu prives
    De leurs Honneurs, non sans Envie mainte,
    Veu que tu rends toute Lumiere etainte
    Par la clarté de deux Etoiles vyves.

    Les Demydieux, et...

  • Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
    Tu t'en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
    Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
    Qu'un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?

    Là si quelqu'un vers toi se montre gracieux,
    Souhaite-lui qu'il vive heureux en sa province :
    Mais si quelque malin obliquement te pince,
    Souhaite-lui tes...

  • Si celui qui s'apprête à faire un long voyage
    Doit croire celui-là qui a jà voyagé,
    Et qui des flots marins longuement outragé,
    Tout moite et dégouttant s'est sauvé du naufrage,

    Tu me croiras, Ronsard, bien que tu sois plus sage,
    Et quelque peu encor (ce crois-je) plus âgé,
    Puisque j'ai devant toi en cette mer nagé,
    Et que déjà ma nef découvre le rivage...

  • Las où est maintenant ce mespris de Fortune
    Où est ce coeur vainqueur de toute adversité,
    Cest honneste desir de l'immortalité,
    Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?

    Où sont ces doulx plaisir, qu'au soir soubs la nuict brun
    Les Muses me donnoient, alors qu'en liberté
    Dessus le verd tapy d'un rivage esquarté
    Je les menois danser aux rayons de...

  • La Parque si terrible
    A tous les animaux,
    Plus ne me semble horrible,
    Car le moindre des maux,
    Qui m'ont fait si dolent,
    Est bien plus violent.
    Comme d'une fontaine
    Mes yeux sont dégouttants,
    Ma face est d'eau si pleine
    Que bientôt je m'attends
    Mon coeur tant soucieux
    Distiller par les yeux.
    De mortelles ténèbres
    Lis...

  • Dans l'enfer de son corps mon esprit attaché
    (Et cet enfer, Madame, a été mon absence)
    Quatre ans et davantage a fait la pénitence
    De tous les vieux forfaits dont il fut entaché.

    Ores, grâces aux dieux, ore' il est relâché
    De ce pénible enfer, et par votre présence
    Réduit au premier point de sa divine essence,
    A déchargé son dos du fardeau de péché...