• D’après ce que j’ai vu, d’après ce que je sais,
    D’après ce que je crois, nuls n’ont plus de succès,
    Ou n’en eurent, ou n’en auront, si c’est ma veine.
    Auprès de toi, sinon ceux simples et sans gêne :
    Tel un moi qui serait plus jeune, au moins de corps,
    Quoique je ne me mette pas au rang des morts
    Encore ou bien déjà, n’en déplaise aux quarante
    Et trop...

  •  

                    À Paule Riversdale,
                    En souvenir d’une épigraphe de « l’Etre Double ».

    Sweet for a little even to fear, and sweet,
    O love, to lay sown fear at love’s fair feet,
    Shall not some fiery memory of his breath
    Lie sweet on lips that touch the lips of death ?
    Yet leave me not ; yet, if thou wilt, be free...

  • À la Piazetta, sous l’ombre des portiques,
    Vanutelli nous montre, en leur costume ancien,
    Dames et jeunes gens à l’air patricien
    Causant entre eux d’amour ou d’affaires publiques.

    Hors du cadre, évoqués par des charmes magiques,
    On croit voir des portraits de Giorgione ou Titien
    Qui, sous le velours noir du loup vénitien,
    Ébauchent, comme au bal, des...

  • Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.
    Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
    Ne sont jamais allés à l’école une fois,
    Et ne savent pas lire, et signent d’une croix.
    C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime.
    L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme.
    Où rampe la raison, l’honnêteté périt.

    Dieu, le premier...

  •  
    La terre n'était plus qu'une tombe fermée ;
    Masse informe et muette, éteinte, inanimée,
    Elle flottait au rang qu'elle avait occupé,
    Comme un vaisseau muet que la foudre a frappé,
    Quand la main qui le guide est tombée en poussière,
    Suit encore un moment sa rapide carrière,
    Puis chancelle et s'arrête, et de ses flancs déserts
    ...

  • Immédiatement après le salut somptueux,
    Le luminaire éteint moins les seuls cierges liturgiques,
    Les psaumes pour les morts sont dits sur un mode mineur
    Par les clercs et le peuple saisi de mélancolie.

    Un glas lent se répand des clochers de la cathédrale
    Répandu par tous les campaniles du diocèse,
    Et plane et pleure sur les villes et sur la campagne
    ...

  • La vie avance et fuit sans ralentir le pas ;
    Et la mort vient derrière à si grandes journées,
    Que les heures de paix qui me furent données
    Me paraissent un rêve et comme n’étant pas.

    Je m’en vais mesurant d’un sévère compas
    Mon sinistre avenir, et vois mes destinées
    De tant de maux divers sans cesse environnées,
    Que je veux me donner de moi-même au...

  • Quand j’aperçus tes yeux pour la première fois,
    Non, je n’aperçus pas une chose charnelle ;
    Et de toi j’attendis cette paix éternelle
    Qui semble un but sacré que dans l’azur je vois.

    De la beauté d’un jour mon âme fuit les lois,
    Vers le libre zénith montant à grands coups d’aile,
    Et, pour mieux embrasser la forme universelle,
    Suit le rhythme infini...

  • Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
    En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
    Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
    Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

    Ayant avec la vie un bail si peu durable,
    Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
    De riches ornements à quoi bon surcharger
    Ta fragile demeure assise sur le sable...

  • Mais après les merveilles
    Qui n’ont pas de pareilles
    De l’épaule et du sein,
    Faut sur un autre mode
    Dresser une belle ode
    Au glorieux bassin.

    Faut célébrer la blanche
    Souplesse de la hanche
    Et sa mate largeur,
    Dire le ventre opime
    Et sa courbe sublime
    Vers le sexe mangeur

    Que chastement, encore
    Que joliment, décore...