• Fortune fus par clercs jadis nommée,
    Que toi, François, crie et nomme murtrière,
    Qui n'es homme d'aucune renommée.
    Meilleur que toi fais user en plâtrière,
    Par pauvreté, et fouir en carrière ;
    S'à honte vis, te dois-tu doncques plaindre ?
    Tu n'es pas seul ; si ne te dois complaindre.
    Regarde et vois de mes faits de jadis,
    Maints vaillants homs par moi...

  • Ici se clôt le testament
    Et finit du pauvre Villon.
    Venez à son enterrement,
    Quand vous orrez le carillon,
    Vêtus rouge com vermillon,
    Car en amour mourut martyr :
    Ce jura-t-il sur son couillon
    Quand de ce monde vout partir.

    Et je crois bien que pas n'en ment,
    Car chassé fut comme un souillon
    De ses amours haineusement,
    Tant que, d'...

  • Tant gratte chèvre que mal gît,
    Tant va le pot à l'eau qu'il brise,
    Tant chauffe-on le fer qu'il rougit,
    Tant le maille-on qu'il se débrise,
    Tant vaut l'homme comme on le prise,
    Tant s'élogne-il qu'il n'en souvient,
    Tant mauvais est qu'on le déprise,
    Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

    Tant parle-on qu'on se contredit,
    Tant vaut bon bruit que...

  • Le mien seigneur et prince redouté
    Fleuron de lys, royale géniture,
    François Villon, que Travail a dompté
    A coups orbes, par force de bature,
    Vous supplie par cette humble écriture
    Que lui fassiez quelque gracieux prêt.
    De s'obliger en toutes cours est prêt,
    Si ne doutez que bien ne vous contente :
    Sans y avoir dommage n'intérêt,
    Vous n'y perdrez...

  • Pour ce, aimez tant que voudrez,
    Suivez assemblées et fêtes,
    En la fin ja mieux n'en vaudrez
    Et n'y romperez que vos têtes ;
    Folles amours font les gens bêtes :
    Salmon en idolatria,
    Samson en perdit ses lunettes.
    Bien heureux est qui rien n'y a !

    Orpheüs le doux ménétrier,
    Jouant de flûtes et musettes,
    En fut en danger du...

  • Au retour de dure prison
    Où j'ai laissé presque la vie,
    Se Fortune a sur moi envie
    Jugez s'elle fait méprison !

    Il me semble que, par raison,
    Elle dût bien être assouvie
    Au retour.

    Se si pleine est de déraison
    Que veuille que du tout dévie
    Plaise à Dieu que l'âme ravie
    En soit lassus, en sa maison,
    Au retour !

  • Rencontré soit de bêtes feu jetant
    Que Jason vit, quérant la Toison d'or ;
    Ou transmué d'homme en bête sept ans
    Ainsi que fut Nabugodonosor ;
    Ou perte il ait et guerre aussi vilaine
    Que les Troyens pour la prise d'Hélène ;
    Ou avalé soit avec Tantalus
    Et Proserpine aux infernaux palus ;
    Ou plus que Job soit en grieve souffrance,
    Tenant prison en la...

  • Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
    Chaud comme feu, et tremble dent à dent ;
    En mon pays suis en terre lointaine ;
    Lez un brasier frissonne tout ardent ;
    Nu comme un ver, vêtu en président,
    Je ris en pleurs et attends sans espoir ;
    Confort reprends en triste désespoir ;
    Je m'éjouis et n'ai plaisir aucun ;
    Puissant je suis sans force et sans pouvoir...

  • Quoiqu'on tient belles langagères
    Florentines, Vénitiennes,
    Assez pour être messagères,
    Et mêmement les anciennes,
    Mais soient Lombardes, Romaines.
    Genevoises, à mes périls,
    Pimontoises, savoisiennes,
    Il n'est bon bec que de Paris.

    De beau parler tiennent chaïères,
    Ce dit-on, les Napolitaines,
    Et sont très bonnes caquetières
    ...

  • Tous mes cinq sens : yeux, oreilles et bouche,
    Le nez, et vous, le sensitif aussi,
    Tous mes membres où il y a reprouche,
    En son endroit un chacun die ainsi :
    " Souvraine Cour, par qui sommes ici,
    Vous nous avez gardé de déconfire.
    Or la langue seule ne peut souffire
    A vous rendre suffisantes louanges ;
    Si parlons tous, fille du Souvrain Sire,
    Mère...