• Peins-moi, Janet, peins-moi, je te supplie
    Dans ce tableau les beautés de m'amie
    De la façon que je te les dirai.
    Comme importun je ne te supplierai
    D'un art menteur quelque faveur lui faire :
    Il suffit bien si tu la sais portraire
    Ainsi qu'elle est, sans vouloir déguiser
    Son naturel pour la favoriser,
    Car la faveur n'est bonne que pour celles
    Qui...

  • Celui qui boit, comme a chanté Nicandre,
    De l'Aconite, il a l'esprit troublé,
    Tout ce qu'il voit lui semble estre doublé,
    Et sur ses yeux la nuit se vient espandre.

    Celui qui boit de l'amour de Cassandre,
    Qui par ses yeux au coeur est ecoulé,
    Il perd raison, il devient afolé,
    Cent fois le jour la Parque le vient prendre.

    Mais la chaut vive,...

  • Couché sous tes ombrages verts,
    Gastine, je te chante
    Autant que les Grecs, par leurs vers
    La forêt d'Érymanthe :

    Car, malin, celer je ne puis
    À la race future
    De combien obligé je suis
    À ta belle verdure,

    Toi qui, sous l'abri de tes bois,
    Ravi d'esprit m'amuses ;
    Toi qui fais qu'à toutes les fois
    Me répondent les Muses ;...

  • Comme un chevreuil, quand le printemps destruit
    L'oyseux crystal de la morne gelée,
    Pour mieulx brouster l'herbette emmielée
    Hors de son boys avec l'Aube s'en fuit,

    Et seul, et seur, loing de chiens et de bruit,
    Or sur un mont, or dans une vallée,
    Or pres d'une onde à l'escart recelée,
    Libre follastre où son pied le conduit ;

    De retz ne...

  • Soit que son or se crêpe lentement
    Ou soit qu'il vague en deux glissantes ondes,
    Qui çà, qui là par le sein vagabondes,
    Et sur le col, nagent folâtrement ;

    Ou soit qu'un noeud illustré richement
    De maints rubis et maintes perles rondes,
    Serre les flots de ses deux tresses blondes,
    Mon coeur se plaît en son contentement.

    Quel plaisir est-ce,...

  • Amour tu semble au phalange qui point
    Lui de sa queüe, et toi de ta quadrelle :
    De tous deux est la pointure mortelle,
    Qui rempe au coeur, et si n'aparoist point.

    Sans soufrir mal tu me conduis au point
    De la mort dure, et si ne voy par quelle
    Playe je meurs, ny par quelle moüelle
    Ton venin s'est autour de mon coeur joint.

    Ceus qui se font...

  • J'avoi les yeux et le coeur
    Malades d'une langueur
    L'une à l'autre différente,
    Toujours une fievre ardente
    Le pauvre coeur me bruloit,
    Et toujours l'oeil distiloit
    Une pluye caterreuse,
    Qui s'écoulant dangereuse
    Tout le cerveau m'espuisoit.
    Lors mon coeur aus yeus disoit :

    LE C?UR
    C'est bien raison que sans cesse
    Une pluie...

  • Amelette Ronsardelette,
    Mignonnelette doucelette,
    Treschere hostesse de mon corps,
    Tu descens là bas foiblelette,
    Pasle, maigrelette, seulette,
    Dans le froid Royaume des mors :
    Toutesfois simple, sans relors
    De meurtre, poison, ou rancune,
    Méprisant faveurs et tresors
    Tant enviez par la commune.

    Passant, j'ay dit, suy ta fortune
    Ne...

  • Pren ceste rose aimable comme toy,
    Qui sers de rose aux roses les plus belles,
    Qui sers de fleur aux fleurs les plus nouvelles,
    Qui sers de Muse aux Muses et à moy.

    Pren ceste rose, et ensemble reçoy
    Dedans ton sein mon coeur qui n'a point d'ailes :
    Il vit blessé de cent playes cruelles,
    Opiniastre à garder trop sa foy.

    La rose et moy...

  • Quoy mon ame, dors tu engourdie en ta masse ?
    La trompette a sonné, serre bagage, et va
    Le chemin deserté que Jesuchrist trouva,
    Quand tout mouillé de sang racheta nostre race.

    C'est un chemin facheux borné de peu d'espace,
    Tracé de peu de gens que la ronce pava,
    Où le chardon poignant ses testes esleva,
    Pren courage pourtant, et ne quitte la place....