• Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
    Mille braves sont là qui dorment sans tombeau,
    L’épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
    Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.

    La lune froide verse au loin sa pâle flamme.
    Hialmar se soulève entre les morts sanglants,
    Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame.
    La pourpre du...

  • Sous les noirs acajous les lianes en fleur,
    Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
    Pendent, et s’enroulant en bas parmi les souches,
    Bercent le perroquet splendide et querelleur,
    L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
    C’est là que le tueur de bœufs et de chevaux,
    Le long des vieux troncs morts à l’écorce moussue,
    Sinistre et fatigué...

  • Le roi des Runes vint des collines sauvages.
    Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,
    L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
    Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

    Le Skalde immortel dit : — Quelle fureur t’assiége,
    O sombre mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
    Pourquoi pleurer ? vieil Ours vêtu de poil de neige,
    De l’aube au...

  • Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
    Sans relâche, à jamais, perpétuellement,
    Du rêve de ma vie ils traversent les ombres.

    Je les regarde avec angoisse et tremblement.
    Ils se suivent, muets comme il convient aux âmes,
    Et mon cœur se contracte et saigne en les nommant.

    Ces magnétiques yeux, plus aigus que des lames,
    Me blessent fibre à...

  • L’Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
    Qu’un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
    Tout n’est qu’ombre et fumée. Et le monde est très-vieux,
    Et le néant de vivre emplit la tombe noire.

    Par les antiques nuits, à la face des cieux,
    Du sommet de sa tour, comme d’un promontoire,
    Dans le silence, au loin, laissant planer ses yeux,
    Sombre,...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d’Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
    O terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l’ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin chasse...

  • En la trentième année, au siècle de l’épreuve,
    Étant captif parmi les cavaliers d’Assur,
    Thogorma, le Voyant, fils d’Élam, fils de Thur,
    Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve,
    A l’heure où le soleil blanchit l’herbe & le mur.

    Depuis que le Chasseur Iahveh, qui terrasse
    Les forts & de leur chair nourrit l’aigle & le chien,
    Avait...

  • Vêtus de bure blanche et de noirs scapulaires,
    Cent moines sont assis aux bancs Capitulaires.
    Ayant psalmodié l’Angelus Domini
    Et clos les lourds missels sous le vélin jauni,
    Sans plus mouvoir la lèvre et cligner la paupière
    Que les Saints étirés dans les retraits de pierre,
    Impassibles comme eux, ils attendent, les bras
    En croix. La cire flambe...


  • ...

  • Les yeux d’or de la Nuit, dans la mer qui les berce,
    Luisent comme en un ciel lentement onduleux.
    Le tranquille soupir exhalé des flots bleus
    Se mêle à l’air muet et tiède, et s’y disperse.

    Les eaux vives, fluant sous les rosiers épais,
    Qui d’un frisson léger meuvent les hautes mousses,
    Éveillent des rumeurs subtiles et si douces
    Qu’elles semblent...