• On ne voit en passant par les Landes désertes,
    Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
    Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes
    D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ;

    Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
    L’homme, avare bourreau de la création,
    Qui ne vit qu’aux dépens de ceux qu’il assassine,
    Dans son tronc...

  • Plaintive tourterelle,
    Qui roucoule toujours,
    Veux-tu prêter ton aile
    Pour servir mes amours !

    Comme toi, pauvre amante,
    Bien loin de mon ramier,
    Je pleure et me lamente
    Sans pouvoir l’oublier.

    Vole, et que ton pied rose
    Sur l’arbre ou sur la tour
    Jamais ne se repose,
    Car je languis d’amour.

    Évite, ô ma colombe,
    ...

  • Ce nuage est bien noir : — sur le ciel il se roule,
    Comme sur les galets de la côte une houle.
    L’ouragan l’éperonne, il s’avance à grands pas.
    — À le voir ainsi fait, on dirait, n’est-ce pas ?
    Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
    Qui court et fait voler les sables de la dune.
    Je crois qu’il va pleuvoir : — la bise ouvre ses flancs,
    Et par la...

  • Un jour, au doux rêveur qui l’aime,
    En train de montrer ses trésors,
    Elle voulut lire un poème,
    Le poème de son beau corps.

    D’abord, superbe et triomphante,
    Elle vint en grand apparat,
    Traînant avec des airs d’infante
    Un flot de velours nacarat :

    Telle qu’au rebord de sa loge
    Elle brille aux Italiens,
    Écoutant passer son éloge...

  • La plaine un jour disait à la montagne oisive :
    « Rien ne vient sur ton front des vents toujours battu ! »
    Au poète, courbé sur sa lyre pensive,
    La foule aussi disait : « Rêveur, à quoi sers-tu ? »

    La montagne en courroux répondit à la plaine :
    « C’est moi qui fais germer les moissons sur ton sol,
    Du midi dévorant je tempère l’haleine,
    J’arrête dans...

  • Au premier plan, — un orme au tronc couvert de mousse,
    Dans la brume hochant sa tête chauve et rousse ;
    — Une mare d’eau sale, où plongent les canards
    Assourdissant l’écho de leurs cris nasillards ;
    — Quelques rares buissons où pendent des fruits aigres,
    Comme un pauvre la main, tendant leurs branches maigres ;
    — Une vieille maison, dont les murs mal fardés...

  • Parfois un enfant trouve une petite graine,
    Et tout d’abord, charmé de ses vives couleurs,
    Pour la planter, il prend un pot de porcelaine
    Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.

    Il s’en va. La racine en couleuvres s’allonge,
    Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ;
    Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge
    Tant qu’il fasse éclater...

  •  

    Hier j’étais à table avec ma chère belle,
    Ses deux pieds sur les miens, assis en face d’elle,
    Dans sa petite chambre ; ainsi que dans leur nid
    Deux ramiers bienheureux que le bon Dieu bénit.
    C’était un bruit charmant de verres, de fourchettes,
    Comme des becs d’oiseaux, picotant les assiettes ;
    De sonores baisers et de propos joyeux.
    L’enfant,...

  • Tandis qu’à leurs œuvres perverses
    Les hommes courent haletants,
    Mars qui rit, malgré les averses,
    Prépare en secret le printemps.

    Pour les petites pâquerettes,
    Sournoisement, lorsque tout dort,
    Il repasse des collerettes
    Et cisèle des boutons d’or.

    Dans le verger et dans la vigne,
    Il s’en va, furtif perruquier,
    Avec une houppe de...

  • Comme un ange gardien prenez-moi sous votre aile ;
    Tendez, en souriant et daignant vous pencher,
    À ma petite main votre main maternelle,
    Pour soutenir mes pas et me faire marcher !

    Car Jésus le doux maître, aux célestes tendresses,
    Permettait aux enfants de s’approcher de lui ;
    Comme un père indulgent il souffrait leurs caresses,
    Et jouait avec eux...